Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/212

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celle dont l’austère pensée dominait ainsi ces visions, je lui répondis avec une émotion dont tremblait un peu ma voix :

— En vérité, mademoiselle, on se sent à jamais attristé par la rigueur de votre renoncement ! — Pourquoi cette hâte du sacrifice ? La vie parût-elle sans joies, celles qu’on peut dispenser ne lui donnent-elles pas un prix ? Il est beau de ne pas craindre les amertumes, de se prêter aux illusions, d’accepter les tâches que d’autres subissent pour nous, d’aimer, de palpiter, de souffrir et de savoir, enfin, vieillir ! — Alors, n’ayant plus à remplir aucun devoir, si votre âme, lassée des froissements humains, aspirait au repos, je comprendrais votre retraite du monde, qui maintenant me semble, je l’avoue, une sorte de désertion.

Elle se détachait comme un lys sur les ténèbres étoilées, qui semblaient le milieu complémentaire de sa personne, et ce fut avec une voix d’élue qu’elle me répondit :

— Différer, dites-vous ?… Non. Celles-là ne sauraient avoir droit qu’au mirage du ciel, qui pourraient calculer leur holocauste de façon à n’offrir à Dieu que le but de leur corps et la cendre de leur âme. La puissance de sa foi fait à chacun la splendeur de son paradis, et, croyez-nous, ce n’est que dans l’effort souverain pour échapper aux attaches rompues qu’on puise la surhumaine faculté d’élancement vers la Lumière divine. — Pourquoi, d’ailleurs, hésiter ? Le moment de n’être plus suit de près, à tel point, celui d’avoir été, que