Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/232

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répondit La Pommerais. Aussi, n’est-ce pas, en réalité, quelque grosse et rapide souffrance physique (à peine conçue dans le désarroi sensoriel et bien vite étouffée par l’envahissante ascendance de la Mort), n’est-ce point cela, dis-je, que je redoute. C’est autre chose.

— Voulez-vous essayer de formuler ? dit Velpeau.

— Écoutez, murmura La Pommerais après un silence, en définitive, les organes de la mémoire et de la volonté, — (s’ils sont circonscrits, chez l’Homme, dans les mêmes lobes où nous les avons constatés chez… le chien, par exemple), — ces organes, dis-je, sont respectés par le passage du couteau !

Nous avons relevé trop d’équivoques précédentes, aussi inquiétantes qu’incompréhensibles, pour que je me laisse aisément persuader de l’inconscience immédiate d’un décapité. D’après les légendes, combien de têtes, interpellées, ont tourné leur regard vers l’appelant ? — Mémoire des nerfs ? Mouvements réflexes ? Vains mots !

Rappelez-vous la tête de ce matelot qui, à la clinique de Brest, une heure et quart après décollation, coupait en deux, d’un mouvement des mâchoires — peut-être volontaire — un crayon placé entre elles !… Pour ne choisir que cet exemple, entre mille, la question réelle serait donc de savoir, ici, si c’est, ou non, le moi de cet homme, qui, après la cessation de l’hématose, impressionna les muscles de sa tête exsangue.

— Le moi n’est que dans l’ensemble, dit Velpeau.