Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/258

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clore ma série (la demi-douzaine) à ma dernière alliance. Il faut savoir se modérer. Ma fortune se montant aujourd’hui, d’ailleurs, à ce beau million de mes rêves qui ne doit rien à personne, étant légalement conquis. J’allais donc me retirer des affaires, laissant ma sixième vicomtesse contempler paisiblement, avec son très cher cousin, les trois perles surannées de tous les Rotybal que bons pourront leur sembler — (notre divorce, convenu d’avant les fiançailles, étant déjà en instance), — j’allais, dis-je, enfin recommencer à Paris, — mais, cette fois, d’une manière expérimentée et durable, cette chère et délicieuse vie de garçon, la seule qu’un gentilhomme vraiment moderne puisse et doive préférer, lorsque vos sbires m’ont prié de les suivre et m’ont narré, en chemin, la tragique aventure d’hier soir. Fort bien. Mais une mauvaise nuit est bientôt passée.

Voici qu’il fait jour. Vous êtes et devez être un homme sérieux. Réfléchissez. Comment admettre qu’avec ses principes, ce caractère — soucieux de l’amour conjugal autant que de l’une de ces cerises de couleur foncée vulgairement nommées guignes — avec ces goûts positifs, pratiques, précis, encouragés par la Loi, — j’ai commis l’insanité d’une aussi excessive esclandre ? C’est une plaisanterie. Exterminer ma femme ! Comme vous y allez ! Malpeste !… Non. Je suis trop honnête, moi, monsieur, pour tuer ma femme ! Bref, j’ai choisi l’état de mari modèle — et je m’y tiens.

— En un mot, a riposté le magistrat, pour vous refaire