Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/37

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— Et que l’on se recueille maintenant, mesdemoiselles ! Assez de récréation : oubliez-vous que, demain, nous devons aller rendre visite à… celui qui n’est plus ?

Sûre d’être obéie (car, au point de vue du cœur, ses jeunes anges avaient, elle ne l’ignorait pas, de qui tenir), la belle Mme  Rousselin rentra, sans doute afin de soupirer plus à l’aise en la solitude retirée de sa chambre.

À ces mots et aussitôt seules, Eulalie, Bertrande et Cécile Rousselin, — dont les rires s’étaient envolés plus loin que les oiseaux du ciel, — vinrent, à pas lents, méditatives, s’asseoir et s’accouder autour de la table.

Après un silence :

— C’est pourtant vrai ! pauvre père ! dit à voix basse Eulalie, la jolie aînée, déjà rêveuse.

Et, prenant un À mon époux bien-aimé, elle en considéra, distraitement, l’inscription.

— Nous l’aimions tant ! gémit Bertrande, aux yeux bleus — où brillaient des larmes.

Sans y prendre garde, imitant Eulalie, elle tournait entre ses doigts, et le regard fixe, un À mon petit papa chéri.

— Pour sûr qu’on l’aimait bien ! s’écria la pétulante cadette Cécile qui, follement énervée encore du jeu quitté et comme pour accentuer, à sa manière, la sincérité naïve de son effusion, fit étourdiment sauter en l’air le Souviens-toi ! qui restait.

Par bonheur, l’aînée, qui tenait encore ses baguettes, y reçut, et à temps, la plaintive couronne,