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Ils ne se plaignirent pas. — Seulement, ce devinrent, bientôt, deux âmes en deuil, désenchantées même du sacrifice et dont aucune fête ne pouvait augmenter ou diminuer le royal ennui amer.

Maintenant ils n’ont plus soif que d’exils. — « Plaindre ? Comment juger ! Que sert, d’ailleurs ? Instants perdus. »

Un besoin d’adieux les étouffe, et voilà tout. Ils pensent avoir gagné le droit d’oublier. À peine s’ils daignent voiler parfois, sous la pâleur d’un sourire, leur indifférence morose. Devenus d’une clairvoyance inconsolable, ils portent en eux leur solitude. Ne pouvant plus se laisser décevoir, entre eux et la foule sociale la misérable comédie est terminée.

Aussi, dès l’instant conjugal où le Destin les a mis en présence, ils se sont reconnus, d’un regard, et se sont aimés, sans paroles, de cet irrésistible amour, trésor de la vie. — Oh ! s’exiler en quelque nuptiale demeure, pour sauver du désastre de leurs jours au moins un automne, une délicieuse échappée de bonheur aux teintes adorablement fanées, une mélancolique embellie ! — Jaloux de leur secret, sûrs de leurs pensées, ils se sont écrit. Dispositions prises, ils partent, ils disparaissent, — devant se retrouver, non dans un de leurs lourds châteaux, où des visiteurs, encore… — mais en cette retraite bien inconnue qu’ils ont choisie et noblement ornée, au goût de leurs âmes, pour y cacher leur saison de paradis.

La maison du Bonheur domine une falaise, là-