Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/87

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titudes, de quel ennui désespéré se constitue la frivole vanité du mensonge mondain, ils ont, pour ainsi dire, fait vœu de se contenter de leur bonheur solitaire.


Oui, ces augustes êtres (exceptionnels !), s’estimant avoir gagné la paix, sauront conserver inviolable la magie de leur isolement. Persuadés, non sans d’inébranlables motifs, que l’unique raison d’être (en laquelle cherchent, fatalement, à réaliser leurs semblances) de ceux-là qui, errants et froids, ne peuvent être heureux, consiste à troubler, d’instinct, s’il leur est possible, le bonheur de ceux-là qui savent être heureux, ces divins amants, pour sauvegarder la simplicité de leur automnale tendresse, se sont résolus à l’égoïsme d’un seuil strictement ignoré, strictement fermé. — Inhospitaliers, plutôt, jamais ils ne profaneront le rayonnement intérieur de leur logis, ni les présences, — qui sait ! — des familiers Esprits émus de leur souverain amour, en admettant « chez eux », ne fût-ce que par quelque hasardeux soir d’ouragan, tel banal, voire illustre, étranger. Ils ne risqueront sous aucun prétexte du Destin, le calme de leur indicible, — à jamais imprécis — et, par conséquent, immuable ravissement. Plus sages que leurs aïeux de l’Eden, ils n’essayeront jamais de savoir pourquoi ils sont heureux, n’ayant pas oublié ce que coûtent ces sortes de tentatives. Au reste, ne désirant d’autrui que cette indifférence dont ils espèrent s’être rendus dignes, il se trouve qu’un