Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/113

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sentons peser autour de nous depuis longtemps et dont la formule, en abstraction, serait capable de faire douter de la Raison humaine, de sanctionner

    métiers, des moyens d’existence et le genre de vie moderne excluent et mettent hors de portée pour des millions d’âmes jusqu’à la possibilité de pratiquer une hygiène sortable. Condamnés à subir plus fréquemment que les anciens les plus tristes maladies, nous arrivons peu à peu à un système universel de guérisons et de drogues qui rendra les générations débiles, appauvrira la vitalité humaine et enfin hâtera l’apparition d’un second terme dans la progression de la durée. Qui peut dire, en effet, que la statistique de la vie ne se balance pas sur deux termes ? sur une progression ascendante et descendante, comme toute chose, et que nous ne marchons pas vers ce premier terme d’une période de diminution ?

    Il est évidemment certain (pour ceux qui, réduisant d’un coup d’œil toutes les petites aberrations arbitraires à leur dénominateur commun, savent que d’un mot dévoyé de son acception réelle peut partir une irradiation indéfinie de sottises), il est, disons-nous, certain que, étant tenu compte de la hausse naturelle des populations, la mortalité suit avec sa fidélité ordinaire et ponctuelle la progression des dénombrements, tout comme autrefois. Le nombre et la variété des maladies augmentent en germes cachés, l’homme se créant des habitudes, conséquences des autres branches du progrès, et l’explosion d’une débâcle imminente ne doit certes pas être considérée comme absolument impossible.

    Non-seulement les anciens nous surpassèrent, de l’aveu des modernes, dans leurs théories hygiéniques et dans leurs applications de ces théories, mais, dans l’art de guérir leurs maladies, l’expérience paraît démontrer qu’ils réussissaient dans la même proportion que nous. Il ne faut pas omettre, d’ailleurs, que, même de nos jours, les anachorètes perdus dans les Thébaïdes, les empiriques et les jongleurs de l’Orient, les derviches de la Haute-Égypte, etc., ont aussi leurs manières extra-scientifiques de guérir