Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/219

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rains à coups de hache par mes Faces de plomb, le soir d’un Couronnement. C’était un enfant que je désirais : des yeux fiers, un sang riche, un front pur, une conscience, oui, c’était cela.

« Esprits, dit-elle, vous le savez. Lorsque cette pensée me vint que je pouvais être utile, j’allais devancer l’Heure et quitter ce monde où jusqu’alors m’avait seulement retenue l’espérance de m’intéresser à quelque chose. J’avais pressé la sphère des rêves extérieurs, et ses deux pôles, glacés ou torrides, me semblaient stériles. Nul aimant ne m’attirait ; la tranquillité de ceux dont le mouvement passe inaperçu d’eux-mêmes et qui, remplissant le métier qui leur donne le pain, demeurent à peu près satisfaits d’être venus, — ah ! cette tranquillité, je ne pouvais la ressentir. Mes regards ne s’arrêtaient que par intervalles, et refroidis, sur les formes d’une nature qui ne me touchait plus. La pensée unique et fixe du suicide s’était roulée et enlacée autour de moi, comme un serpent autour d’un marbre. Rien ne me semblait valoir la peine d’une palpitation ; je ne voyais que l’impassible Devenir. Les insectes que j’écrasais, sans le savoir,