Page:Villiers de L’Isle-Adam - Le Nouveau-Monde, 1880.djvu/48

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30 ACTE PREMIER Lord Cecil, avec une lenteur dure Pour l’intérêt de mon pays et de mon honneur, Madame, que je vengerai, tous deux, d’un bras sans pitié. Il sort. SCENE X RUTH, seule Se venger ?... (Se levant). Mais, c’est le tuer, qu’il veut dire ! Oh ! il le fera !... Quoi ! j’ai déjà ravi à Stephen le prix de sa tendresse fidèle, — là-bas, dans notre Irlande, si par quelque soir de retour et de joie il m’appelait sur le seuil ancien, les serviteurs lui diraient, en indiquant la route de ce manoir : « — C’est là, maintenant, Aswhell, que de- meure celle qui fut ta fiancée ! Elle s’appelle, aujourd’hui, Lady Cecil ! Passe ton chemin : tu es oublié.» — Et ce n’est pas tout : voici que je deviens pour lui la cause de quelque mort inconnue, terrible ! (Silence.) Ma conscience est troublée ici, je l’avoue. Le devoir d’épouse, dont je suis à demi dégagée, ne peut pas exiger que je laisse assassiner un innocent ! — Que faire ? Ah ! le sauver. — Mais comment ? mon Dieu ! que faire ? Par qui l’avertir ? Comment veiller sur lui ? A qui me confier ? Comment oser parler, maintenant, ici, au dernier de mes serviteurs ? Ah ! c’est affreux ! (Silence.) Non ! Stephen ne mourra point par moi, pour moi ! Non, non ! cela, c’est im- possible. Et sous le coup de cette indigne menace, je ne sais, vraiment, jusqu’à quel point Ruth Moore, l’injure au front, peut désormais demeurer sans déshonneur, sans lâcheté, sous le toit de lord Cecil.