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littérature et de beaux-arts de couvrir la Péninsule et de se répandre de Rome à Paris. La Renaissance allait opérer d’autres chefs-d’œuvre que l’art ogival. La statuaire sortait de ses langes ; les peintres quittaient la convention ; une poésie nouvelle éclatait comme une fusée, la boussole ouvrait les mers, les peuples se rapprochaient ; la scolastique ancienne dépérissait ; on pensait, on cherchait, on analysait. À côté de tous les arts, marchaient toutes les sciences, préparant l’humanité aux plus grandes, aux plus troublantes conquêtes qu’elle eût jamais vues : celles de Christophe Colomb, sur la terre, et celles de Copernic dans les cieux.

Que de sujets d’étude pour l’érudit ! que d’objets fascinateurs pour le penseur ! Historiens, poètes, philosophes, qui aurait voulu rester muet ? Qui aurait voulu laisser dormir la plume à côté de lui ? Qui aurait voulu priver ses contemporains des réflexions que ces choses si diverses faisaient naître ?

Devant tant de volumes à multiplier, les copistes ouvraient leurs rangs et appelaient des recrues ; mais ils avaient beau allonger leurs veilles, ils étaient débordés par le travail ; si nombreux qu’ils fussent, ils étaient impuissants à reproduire les milliers de volumes qu’on leur offrait.

Par contre, leur nombre, leur influence, leur utilité, leur puissance étaient un danger pour les novateurs.

Si on trouvait un moyen de développer plus rapidement la pensée ; si les scribes, les copistes, les enlumineurs, les imagiers, moines ou laïques, vivant de leur travail, se voyaient menacés, étaient supprimés et remplacés par des machines, s’effaceraient-ils sans protester ? Succomberaient-ils sans bataille ? N’intéresseraient-ils pas l’Église toute puissante et le pouvoir séculier si redoutable à protéger les droits acquis d’une immense et intelligente population répandue dans tous les cloîtres et les cités ?