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ce moment un Speculum Humanœ Salvationis, le Miroir de la Rédemption de l’humain lignage, ouvrage très connu et très demandé, mais atelier qui, pour le vulgaire, n’était consacré qu’à la confection de simples miroirs pour les ménages.

La ruse réussit complètement et on sut dans la ville, sans avoir d’autres soupçons, de quoi s’occupaient les deux associés avec tant d’activité.

Grâce aux fonds versés, aux dettes payées, et à l’aide matérielle d’un homme intelligent, la maison prit rapidement un autre aspect ; la fabrication des Speculum fut hâtée, marcha, et Gutenberg, impatient, grisé par le succès, entreprit imprudemment l’impression d’une Bible qu’il ne devait pas achever.

En 1439, André mourut, et ses frères, en se partageant sa fortune, voulurent succéder à l’association comme au reste. On envoya des hommes de loi visiter l’atelier, mais Gutenberg s’était hâté de vider les châssis, de mettre la composition en pâte et de si bien embrouiller son matériel que le procès-verbal ne put mentionner que des plombs, du fer, des vis, des machines hors d’usage qu’on estime sans valeur. Le 12 décembre de cette année, le jugement, rendu à Strasbourg, débouta les frères d’André de leurs prétentions et laissa Gutenberg seul maître de son atelier, de sa fortune et de ses espérances.

Mais au cours des débats, des indiscrétions avaient été commises. On prétendit, sur la déposition d’un orfèvre, Hans Dünne, que, dans cette fabrique de miroiterie, depuis trois ans au moins, c’est-à-dire depuis 1436, on avait imprimé des livres faits en lettres moulées dont lui-même avait créé les matrices. Il n’en fallait pas tant pour éveiller les esprits et