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d’être combinées avec un art, un soin et une recherche dans les détails, qui prouvent à quel degré de perfection étaient arrivées les constructions des places fortes seigneuriales à la fin du XIVe siècle, et jusqu’à quel point les châtelains à cette époque étaient en défiance des gens du dehors.

Les lices EE′E″ étaient autrefois munies de merlons détruits pour placer du canon à une époque plus récente ; elles dominent l’escarpement naturel qui est de vingt mètres environ au-dessus du fond du vallon. Au sud de la basse-cour, le plateau s’étend de plain-pied en s’élargissant et se relie à une chaîne de collines en demi-lune présentant sa face concave vers la forteresse. Cette situation était fâcheuse pour le château, du moment que l’artillerie à feu devenait un moyen ordinaire d’attaque, car elle permettait d’envelopper la face sud d’un demi-cercle de feux convergents. Aussi, dès l’époque de Louis XII, deux forts en terre, dont on retrouve encore la trace, avaient été élevés au point de jonction du plateau avec la chaîne de collines. Entre ces forts et la basse-cour, de beaux jardins s’étendaient sur le plateau, et ils étaient eux-mêmes entourés de murs de terrasses avec parapets.

Nous avons vainement cherché les restes des aqueducs qui devaient nécessairement amener de l’eau dans l’enceinte du château de Pierrefonds. Nulle trace de puits dans cette enceinte, non plus que dans la basse-cour. Les approvisionnements d’eau étaient donc obtenus au moyen de conduites qui prenaient les sources que l’on rencontre sur les rampants des collines se rattachant au plateau. Tout ce qui est nécessaire à la vie journalière d’une nombreuse garnison et à sa défense est trop bien prévu ici pour laisser douter du soin apporté par les constructeurs dans l’exécution des aqueducs. Il serait intéressant de retrouver la trace de ces conduits au moyen de fouilles dirigées avec intelligence.

Une vue cavalière du château de Pierrefonds, prise du côté des lices du nord (25), fera saisir l’ensemble de ces dispositions, qui sont encore aujourd’hui très-imposantes malgré l’état de ruine des constructions.

Mais ce qui doit particulièrement attirer notre attention dans cette magnifique résidence, c’est le système de défense nouvellement adopté à cette époque. Chaque portion de courtine est défendue à sa partie supérieure par deux étages de chemins de ronde, l’étage inférieur étant muni de machicoulis, créneaux et meurtrières ; l’étage supérieur, sous le comble, de créneaux et meurtrières seulement (voy. Architecture Militaire, fig. 37). Les sommets des tours possèdent trois, quatre et cinq étages de défenses, un chemin de ronde avec machicoulis et créneaux au niveau de l’étage supérieur des courtines, un ou deux étages de créneaux avec meurtrières intermédiaires et un parapet crénelé autour des combles. Si l’on s’en rapporte à une vignette assez ancienne (XVIe siècle), la tour e, bâtie au milieu de la courtine de l’ouest, vers la ville, possédait cinq étages de défenses, ainsi que celles du coin Z et du donjon I. Une guette très-élevée surmontait celle du coin. Malgré la multiplicité de ces défenses, elles pouvaient être garnies d’un nombre de défenseurs relativement restreint,