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[château]
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autres tours isolées aux angles, contenant des logis, et une petite chapelle G. À gauche, en C, était la basse-cour avec son entrée particulière B, des écuries, magasins et dépendances ; en D par derrière, une seconde basse-cour avec jardins, treilles, arbres fruitiers, et gros colombier en forme de tour en K. Le parc s’étendait au delà des bâtiments, et le devant du château ainsi que la basse-cour étaient entourés de fossés pleins d’eau. Les logis propres à l’habitation étaient au fond de la cour seigneuriale, à gauche étaient les offices, cuisines ; à droite, en H, la galerie, c’est-à-dire la grand’salle que nous voyons conservée encore comme dernier souvenir des mœurs féodales. Un portique élevé derrière la courtine antérieure réunissait les deux ailes de droite et de gauche, et ne s’élevant que d’un rez-de-chaussée, ne masquait pas la vue des étages supérieurs des trois corps de logis. Ici, bien que des tours garnies de machicoulis à leur partie supérieure conservent la forme cylindrique, elles donnent à l’intérieur des chambres carrées, cette disposition étant beaucoup plus commode pour l’habitation que la forme circulaire. Ainsi les usages nouveaux commandaient des distributions qui n’étaient plus en harmonie avec les anciennes traditions, et ces tours, qui ne servaient que pour l’habitation, gardaient encore à l’extérieur leur forme de défense militaire. Le colombier lui-même se donne les airs d’un donjon isolé. On ne faisait plus alors que jouer au château féodal. Quoi qu’il en soit, ces demeures sont, au point de vue de l’art, de charmantes créations, et la vue cavalière que nous donnons du château de Bury (37)[1] fait ressortir, mieux qu’une description, tout ce qu’il y a d’élégance dans ces habitations seigneuriales de la renaissance qui venaient remplacer les sombres châteaux fermés du moyen âge.

Nous ne multiplierons pas ces exemples ; ils sont entre les mains de tout le monde, et les monuments sont là qui parlent éloquemment. Blois, Gaillon, Azay-le-Rideau, Chenonceau, Amboise, le château neuf de Loches, le château d’Ussé et tant d’autres demeures seigneuriales du commencement du XVIe siècle, offrent un charmant sujet d’études pour les architectes ; elles sont la plus brillante expression de la renaissance française et, ce qui ne gâte rien, la plus raisonnable application de l’art antique chez nous. La royauté donnait l’exemple, et c’est autour d’elle que s’élèvent les plus beaux châteaux du XVIe siècle. Souveraine de fait, désormais, elle donnait l’impulsion aux arts comme à la politique. François Ier, ce roi chevalier qui porta le dernier coup à la chevalerie, détruisait les anciennes résidences royales, et son exemple fit renverser plus de donjons que tous ses devanciers et successeurs réunis ne purent faire par la force. Il jeta bas la grosse tour du Louvre, de laquelle relevaient tous les fiefs de France. Quel seigneur de la cour, après cela, pouvait songer à conserver son nid féodal ? Ce prince commence et

  1. Voy. Ducerceau et l’œuvre (petite) d’Israël Sylvestre. Voy. aussi, dans le Guide hist. du voyage à Blois et aux environs, par M. De la Saussaye, 1815, une excellente notice sur ce beau château de la renaissance.