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[chéneau]
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l’Île de France, on donna une saillie assez forte aux corniches pour pouvoir faire courir des chéneaux à la base des combles. Nous observons, dans la partie haute du chœur de Notre-Dame de Paris, la transition entre le système des égouts romans et le système des chéneaux posés sur corniches saillantes à la base des combles sous le bahut. Dans l’origine, c’est-à-dire du temps de Maurice de Sully (1160 à 1180 environ), il n’existait pas de chéneaux à la base du grand comble[1]. Le couronnement recevant la charpente consistait en une corniche peu saillante, composée de quatre rangs de damiers sur lesquels était posé un profil formant boudin supérieur. Vers 1220, probablement après l’incendie dont nous venons de parler, lorsque déjà à Paris l’architecture gothique avait pris son développement complet, on n’enleva, de la corniche de Maurice de Sully, que le boudin supérieur, et, laissant subsister les assises de damiers, on posa par-dessus une corniche composée d’une assise de feuilles à crochets et d’un larmier ; le tout présentant une forte saillie. Ce larmier fut creusé en forme de chéneau, dont les pentes répartissaient les eaux pluviales dans de grosses gargouilles posées au-dessus de chacun des arcs-boutants. Quant à la nouvelle charpente, elle vint s’asseoir sur un bahut élevé de 1m,30 au-dessus de ce chéneau, et une balustrade en pierre fut fixée sur le rampant du larmier (voy, Bahut, fig. 1). Vers la même époque, dans la cathédrale de Chartres et sur la façade de Notre-Dame de Paris, on posait aussi des larmiers formant chéneaux, mais sans gargouilles ; les eaux s’écoulaient simplement par des trous ménagés, sous les balustrades, de distance en distance, ainsi que l’indique la fig. 2[2]. Cette disposition explique pourquoi, sur la façade de Notre-Dame de Paris, les larmiers des divers étages portant chéneaux ont une aussi forte saillie ; c’est qu’ils étaient destinés à renvoyer loin des parements les eaux des chéneaux, comme une mouchette continue. À Notre-Dame de Chartres, les balustrades n’ayant pas de traverse inférieure, mais n’étant composées que de colonnettes isolées posées à cul sur l’extrémité de la corniche, les eaux du chéneau s’écoulent entre ces colonnettes sur la pente du larmier. Ces moyens toutefois ne faisaient que diminuer les inconvénients résultant des égouts des combles, mais ne les évitaient pas, puisque les eaux pluviales continuaient à s’égoutter dans toute la longueur des corniches ; ils rendaient déjà le service des couvreurs plus facile et arrêtaient les tuiles

  1. Ce comble était moins, aigu que celui actuel, qui date du commencement du XIIIe siècle, et qui fut refait après un incendie dont l’histoire ne parle pas, mais dont les traces sont visibles sur le monument même. Le chœur de Notre-Dame de Paris était complètement élevé, sauf la toiture, en 1177, ainsi que le constate la chronique de Robert, abbé du Mont Saint-Michel, et dont M. Alfred Ramé a bien voulu nous envoyer le curieux extrait suivant : « Ad ann. 1177. Mauricius episcopus Parisiensis jam diù est ; quod [qui] multum laborat et proficit in ædificatione ecclesiæ prædictæ civitatis, cujus caput jam perfectum est, excepto majori tectorio. Quod opus si perfectum fuerit, non erit opus citra montes cui aptè debeat comparari. »
  2. Cet exemple est tiré de la façade occidentale de la cathédrale de Paris.