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[clocher]
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du beffroi sur plan octogone irrégulier, c’est-à-dire ayant quatre grands côtés et quatre petits. Posant la tour sur quatre piles, il est évident que les constructeurs n’ont pas osé adopter l’octogone régulier, afin d’éviter des trompillons de grande dimension et de rapprocher, autant que possible, la charge totale sur ces quatre points d’appui. Mais les angles de l’octogone possèdent leurs colonnes engagées, les angles du carré leurs pinacles, ce qui rappelle l’influence occidentale, et le beffroi est octogone, comme la plupart des clochers centrals de l’Est. La flèche du clocher central de l’église de Poissy est en charpente, comme certaines flèches de clochers normands dans une situation analogue ; et il n’y a pas lieu de supposer qu’elle ait été primitivement projetée en pierre. L’étage à jour du beffroi octogone se compose d’arcades jumelles sur les grands côtés et d’arcades simples sur les petits. La base de ce clocher ne renferme point une coupole ou une lanterne, comme les clochers centrals du Rhin ou de Normandie, elle n’est que l’étage inférieur du beffroi au-dessus de la voûte de la nef.

Nous présentons (28) une vue perspective de ce clocher, dont la construction remonte aux premières années du XIIe siècle. Cependant, dès la fin de ce siècle, on renonçait, dans l’Île de France, aux plans octogones pour les tours centrales des églises ; le plan carré des tours normandes prévalait ; les flèches seules conservaient la forme octogonale à la base, avec quatre pinacles aux angles.

Non loin de Poissy, en descendant la Seine, on voit, sur la rive gauche, une petite église bâtie au centre du village de Vernouillet. Cette église possède un clocher sur la croisée, à l’entrée du chœur. La construction du clocher de Vernouillet remonte aux dernières années du XIIe siècle (1190 environ) ; là, plus de tâtonnements, plus d’incertitudes ; les diverses influences romanes de l’Est et de l’Ouest se sont fondues ; un art nouveau, formé de ces divers éléments, mais franc et original, apparaît dans tout son éclat.

Avant la construction du clocher central de Vernouillet, on avait élevé celui de Limay, près de Mantes, et qui déjà donne une tour carrée surmontée d’une flèche à base octogone, de quatre pinacles pleins sur les angles et de lucarnes sur quatre des faces de la pyramide. Le clocher de Limay, lourd encore, soumis aux traditions romanes, est cependant l’un des premiers pas faits dans la voie nouvelle. Les clochers centrals du XIIe siècle sont fort rares dans cette partie de la France, dévastée par les guerres de la fin de ce siècle ; aussi celui de Vernouillet, qui clôt l’époque de transition, doit-il être étudié avec attention. Il se compose d’une base carrée, sans ouverture, portant sur les quatre piles de la croisée et sur les quatre arcs doubleaux. Le beffroi à jour s’élève sur ce socle ; ses angles sont renforcés de colonnes engagées formant contreforts ; les quatre faces sont percées chacune de deux baies. Une corniche à corbeaux termine cet étage à jour, destiné au placement des cloches, et arrive au plan carré parfait, sans ressauts ni saillies.