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ogives des deux étages ne sont qu’une décoration et ne jouent aucun rôle au point de vue de la construction. L’architecte, en faisant cette concession aux formes nouvelles, avait compris que ces arcs, s’ils eussent fait parpaing, auraient eu pour effet de pousser les angles de la tour en dehors, et, adoptant une décoration d’un caractère déjà gothique, il conservait prudemment son système de construction roman. Il faut signaler, dans le clocher de Saint-Menoux, un progrès ; c’est que ce clocher est assez bien combiné pour le placement d’un beffroi en charpente portant des cloches à son sommet. Les bois sont suffisamment aérés par les ajours des fenêtres basses, sans risquer d’être mouillés, et l’étage supérieur laisse librement passer le son des cloches. Dans la plupart des clochers romans, on reconnaît bien plutôt un désir d’élever une tour que la satisfaction d’un besoin particulier ; les clochers à base octogone, si fréquents dans les provinces de l’Est, se prêtent mal au placement des beffrois en bois qui ne peuvent, être inscrits que dans un carré ; leurs étages superposés, également ajourés, ne permettent pas aux vibrations des cloches de se développer dans toute leur intensité ; la combinaison adoptée dans la construction du clocher de Saint-Menoux est la meilleure, en ce qu’elle ne donne qu’un étage d’ouïes très-ouvertes près de la pyramide, dont la concavité de pierre est très-favorable à la répercussion des vibrations des cloches. Cependant, dans tous les clochers précédents, non plus que dans celui de Saint-Menoux, on ne voit pas que les architectes se soient préoccupés de placer des abat-vents ou abat-sons, destinés à garantir les charpentes des beffrois contre la pluie chassée par le vent. Ces charpentes, au moins dans l’étage supérieur, restaient à l’air libre, étaient recouvertes de plomb, ou seulement peintes. La neige ou les eaux pluviales qui s’introduisaient dans la tour étaient recueillies sur un dallage inférieur en pente, munie de caniveaux et de gargouilles. Mais nous aurons l’occasion de revenir sur ce détail important.

Les clochers centrals carrés persistent donc assez tard dans certaines provinces du centre ; on les retrouve le long du cours de la Marne. Pendant que, dans le village de Vernouillet, sur la Seine, on construisait le joli clocher que nous avons donné ci-dessus, sur la Marne, à Dormans, on élevait un clocher qui conservait encore la forme traditionnelle des clochers des provinces du centre, bien que les détails en soient déjà complétement gothiques. L’église de Dormans est petite et ses transsepts sont moins larges que le vaisseau de la nef et du chœur. L’intersection de la croisée donnait donc un plan barlong. C’est sur cette base qu’on éleva un clocher central, dont nous présentons le plan (39). Pour une petite église, le plan barlong se prêtait mieux que le plan carré au placement des cloches ; celles-ci étant mises en mouvement demandaient plus d’espace dans le sens de leur volée que dans l’autre.

Dans l’élévation perspective du clocher central de Dormans (40), sauf un soubassement pris dans la hauteur des combles, il n’y a qu’un étage complétement à jour. Le couronnement de ce clocher se compose