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[clôture]
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clôtures disposées dans l’intérieur des églises monastiques. Il ne reste aujourd’hui nulle trace des clôtures nombreuses qui divisaient à l’intérieur les églises monastiques. Pendant les premiers siècles du moyen âge, des clôtures étaient disposées autour de chaque autel. Frodoard[1] parle de l’autel que l’archevêque de Reims Hérivée « éleva et consacra au milieu du chœur de la cathédrale en l’honneur de la sainte Trinité, et qu’il entoura de tables revêtues de lames d’argent ». Dès le XIIe siècle, il paraîtrait que les nombreuses clôtures qui divisaient l’intérieur des églises furent supprimées pour laisser, probablement, plus de place aux fidèles ; car, à dater de cette époque, les textes et les monuments n’indiquent plus guère que les clôtures des chœurs et celles des sanctuaires.

Le plan de l’abbaye de Saint-Gall[2], si curieux à consulter lorsque l’on veut prendre une idée de ce qu’était, au IXe siècle, un grand établissement monastique, nous fait voir dans l’église un grand nombre de clôtures disposées de telle façon que l’espace réservé aux fidèles devait être fort restreint, à moins que ceux-ci ne fussent appelés dans l’église à l’occasion d’une cérémonie particulière, auquel cas ils devaient être admis à l’intérieur de plusieurs de ces clôtures. Les mœurs religieuses se sont évidemment successivement modifiées depuis cette époque reculée. Alors les diverses parties des églises n’étaient point ouvertes tout le jour comme elles le sont aujourd’hui en France, et les fidèles qui voulaient faire une prière dans la maison du Seigneur ne pouvaient circuler partout ; ils se tenaient près de l’entrée dans un espace assez restreint. Déjà, au XIIe siècle, les religieux réguliers avaient senti le besoin de modifier cet état de choses au milieu de populations dont la dévotion moins ardente avait besoin d’être soutenue par le spectacle de grandes pompes religieuses. Vers le milieu de ce siècle, les évêques, voulant reprendre l’importance que les grandes abbayes leur avaient fait perdre, élevèrent, sur presque toute la surface de la France, de vastes cathédrales dont les dispositions intérieures contrastaient avec celles des églises monastiques en ce qu’elles laissaient au contraire des espaces considérables à la foule, et que les cérémonies du culte, faites à un autel unique, découvert de toutes parts, pouvaient être vues par un grand nombre d’assistants (voy. Cathédrale, Chœur). Cette observation, qui nous est suggérée par une étude attentive des dispositions intérieures des églises du moyen âge, et à laquelle nous attachons une certaine importance puisqu’elle nous explique en partie le mouvement prodigieux qui fit reconstruire les cathédrales sur de vastes plans, à la fin du XIIe siècle et au commencement du XIIIe, ne saurait s’appuyer sur un monument plus ancien et plus authentique que celui dont nous venons de parler, le plan manuscrit de l’abbaye de Saint-Gall. L’église comprise dans ce plan est, comme les églises rhénanes, à deux absides, l’une à l’occident, l’autre à l’orient.

  1. Chap. XIII.
  2. Voy. Architecture Monastique, fig. 1.