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cela il suivait l’exemple de la plupart des seigneurs normands, qui, voyant à la tête du duché un jeune homme à peine sorti de l’adolescence, se préparaient à lui ravir un héritage qui ne paraissait pas dû à sa naissance illégitime. En effet, « dans les premiers temps de la vie de Guillaume le Bâtard, dit Guillaume de Jumiéges[1], un grand nombre de Normands égarés et infidèles élevèrent dans beaucoup de lieux des retranchements et se construisirent de solides forteresses. » Sans perdre de temps, et avant de dévoiler ses projets de révolte, Guillaume d’Arques se mit à l’œuvre, et, peu d’années après l’investiture de son comté, le village d’Arques voyait s’élever, à l’extrémité de la langue de terre qui le domine, une vaste enceinte fortifiée, protégée par des fossés profonds et un donjon formidable. Mais c’est ici qu’apparaît tout d’abord le génie normand.


Au lieu de profiter de tout l’espace donné par l’extrémité du promontoire crayeux, et de considérer les escarpements et les vallées environnantes comme un fossé naturel, ainsi que l’eût fait un seigneur français, Guillaume d’Arques fit creuser au sommet de la colline un large fossé, et c’est sur l’escarpe de ce fossé qu’il éleva l’enceinte de son château, laissant, ainsi que l’indique la fig. 2, entre les vallées et ses défenses une crête A, sorte de chemin couvert de deux mètres de largeur, derrière lequel l’assaillant trouvait, après avoir gravi les escarpements naturels B, un obstacle infranchissable entre lui et les murs du château. Les crêtes A étaient d’ailleurs munies de palissades, hériçuns, qui protégeaient le chemin couvert et permettaient de le garnir de défenseurs, ainsi qu’on le voit en C. Un peu au-dessus du niveau du fond du fossé, les Normands avaient le soin de percer des galeries longitudinales S qui permettaient de reconnaître et d’arrêter le travail du mineur qui se serait attaché à la base

  1. Lib. VII, cap. I.