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[construction]
[principes]
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sur le principe d’élasticité, remplaçant le principe de stabilité absolue adopté par les Romains. La voûte romaine, sauf de rares exceptions, est faite en blocages ; si elle est renforcée par des arcs en brique, ces arcs sont noyés dans l’épaisseur même du blocage et font corps avec lui. Les constructeurs romans, au lieu de maçonner la voûte en blocage, la construisirent en moellons bruts noyés dans le mortier, mais posés comme des claveaux, ou en moellons taillés et formant une maçonnerie de petit appareil ; déjà ces voûtes, si un mouvement venait à se déclarer dans les points d’appui, présentaient une certaine élasticité, par suite de la réunion des claveaux, ne se brisaient pas comme une croûte homogène, et suivaient le mouvement des piles. Mais cette première modification ne rassurait pas entièrement les constructeurs romans ; ils établirent sous ces voûtes, de distance en distance, au droit des points d’appui les plus résistants, des arcs doubleaux en pierres appareillées, cintrés sous l’extrados des voûtes. Ces arcs doubleaux, sortes de cintres permanents élastiques, comme tout arc composé d’une certaine quantité de claveaux, suivaient les mouvements des piles, se prêtaient à leur tassement, à leur écartement, et maintenaient ainsi, comme l’aurait fait un cintre en bois, les concavités en maçonneries bâties au-dessus d’eux.

Les constructeurs romans avaient pris aux Romains la voûte d’arête sur plan carré et engendrée par la pénétration de deux demi-cylindres de diamètres égaux. Mais lorsqu’ils voulurent élever des voûtes sur des piles posées aux angles de parallélogrammes, la voûte d’arête romaine ne pouvait être appliquée ; ils adoptèrent, dans ce cas, le berceau ou demi-cylindre continu sans pénétration, et, au droit des piles, ils renforcèrent ces berceaux par des arcs doubleaux en pierres appareillées sur lesquels ils comptaient pour éviter les fâcheux effets d’une rupture longitudinale dans ces berceaux, par suite d’un mouvement des piles. Encore une fois, et nous insistons sur ce point, c’était un cintrage permanent. Cependant les obstacles, les difficultés semblaient naître à mesure que les constructeurs avaient cru trouver la solution du problème. Les effets des poussées des voûtes si parfaitement connus des Romains étaient à peu près ignorés des constructeurs romans. Le premier, parmi eux, qui eut l’idée de bander un berceau plein cintre sur deux murs parallèles, crut certainement avoir évité à tout jamais les inconvénients attachés aux charpentes apparentes, et combiné une construction à la fois solide, durable et d’un aspect monumental. Son illusion ne dut pas être de longue durée, car, les cintres et couchis enlevés, les murs se déversèrent en dehors, et la voûte tomba entre eux. Il fallut donc trouver des moyens propres à prévenir de pareils sinistres. On renforça d’abord les murs par des contre-forts extérieurs, par des piles saillantes à l’intérieur ; puis, au droit de ces contre-forts et de ces piles, on banda des arcs doubleaux sous les berceaux. Noyant des pièces de bois longitudinales dans l’épaisseur des murs d’une pile à l’autre, à la naissance des berceaux, on crut ainsi arrêter leur poussée entre ces piles. Ce n’était