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[construction]
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devaient supporter, et que leur tassement eût occasionné des désordres très-graves dans les œuvres hautes, la rupture des arcs-boutants et, par suite, la déformation des grandes voûtes. L’architecte ne voulait pas cependant donner à ces piliers A une épaisseur telle qu’ils eussent rendu la construction des voûtes des collatéraux difficile et produit un effet très-disgracieux ; il a donc, comme toujours, usé d’artifice : il a entouré ses piles cylindriques, élevées par assises, de fortes colonnettes en délit ; il a entouré les tambours de dix étais résistants, incompressibles (93), certain que ce système de construction ne pouvait subir ni tassement ni déformation, et que, par conséquent, des arcs-boutants très-puissants, pesant sur ces piles, ne pourraient subir aucun affaissement. Cette disposition avait encore l’avantage de laisser au-dessus des chapiteaux, entre les arcs doubleaux et arcs ogives, une forte assise E portant directement sur la colonne centrale A (voy. fig. 92).

La méthode consistant à employer les matériaux (pierres) soit sur leur lit, soit en délit, se perfectionne rapidement pendant la première moitié du XIIIe siècle. C’est qu’en effet il y avait là une ressource à laquelle nous, qui prétendons tout avoir inventé, nous recourons chaque jour, puisque nous employons la fonte de fer dans nos constructions avec beaucoup moins d’intelligence, disons-le, que ne le faisaient les constructeurs gothiques lorsqu’ils cherchaient à obtenir des points d’appui incompressibles et rigides en employant certaines pierres d’une excellente qualité.

Voyons d’autres applications mieux raisonnées encore de ces principes. Le chœur de la cathédrale d’Amiens, bâti quelques années avant celui de Beauvais, est, au point de vue de la construction gothique, un chef-d’œuvre, surtout dans les parties basses[1]. Examinons d’abord les piles du sanctuaire de Notre-Dame d’Amiens. Ces piles donnent en plan une grosse colonne cylindrique ayant 1m,20 de diamètre, cantonnée de quatre

  1. Voyez, au mot Cathédrale, le résumé historique de la construction de Notre-Dame d'Amiens. Les parties hautes du chœur ne purent être terminées qu’avec des ressources insuffisantes.