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[contre-fort]
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au-dessus de chaque bandeau ou larmier qui protégeait les parements de ces faces à différentes hauteurs. C’est ainsi que sont construits les contre-forts de la Sainte-Chapelle du Palais à Paris et ceux des chapelles absidales de la cathédrale d’Amiens (voy. Chapelle, fig. 3 et 40). Les contre-forts conservant ainsi à leur sommet une saillie à peu près égale à celle de leur plan au niveau du sol, on eut l’idée de les couronner par la corniche qui servait de chéneau et de placer aux angles saillants de cette corniche ou au milieu de leur larmier des gargouilles qui, dans cette position, rejetaient les eaux pluviales loin des parements. Au-dessus de la corniche, on éleva des pinacles qui, par leur poids, augmentaient la stabilité des contre-forts. La construction devenant, à la fin du XIIIe siècle, de plus en plus légère, les architectes, cherchant sans cesse les moyens de diminuer le cube des matériaux en conservant la stabilité de leur bâtisse par des charges verticales, n’élevèrent souvent alors leurs contre-forts que jusqu’au point de la poussée des voûtes, et, sur ces piles engagées, ils montèrent des pinacles détachés de la construction n’ayant plus d’autre effet que de charger la portion buttante des piles. On trouve un des meilleurs exemples de cette sorte de construction autour des chapelles absidales de la cathédrale de Séez (fin du XIIe siècle) (17). La poussée des voûtes n’agit pas au-dessus du niveau A. Là, le contre-fort se termine par un pignon et cesse de se relier à l’angle de la chapelle ; à cheval sur le pignon, s’élève un pinacle détaché B, relié seulement à la bâtisse par la gargouille qui le traverse et par le bloc C qui participe à la balustrade. Ainsi, ce pinacle charge le contre-fort, sert de support à la gargouille, maintient l’angle saillant de la balustrade, n’a pas l’apparence lourde du contre-fort montant d’une venue jusqu’à la corniche, et sert de transition entre les parties inférieures massives et la légèreté des couronnements, en donnant de la fermeté aux angles saillants des chapelles.

Vers le milieu du XIIIe siècle, dans les édifices religieux et les salles voûtées, les architectes avaient pris le parti de supprimer entièrement les murs et d’ouvrir, sous les formerets des voûtes, des fenêtres qui occupaient l’intervalle laissé entre deux contre-forts (voy. Architecture Religieuse, Construction). Cette disposition, donnée par le système de la construction qui tendait de plus en plus à reporter la charge sur ces contre-forts, donnait une apparence très-riche à l’extérieur des édifices, en occupant par des fenestrages à meneaux tous les espaces laissés libres, mais faisait d’autant plus ressortir la nudité des piles extérieures auxquelles il fallait donner une grande solidité. Les architectes furent donc entraînés à décorer aussi les contre-forts, afin de ne pas présenter un contraste choquant entre la légèreté des fenestrages et la lourdeur des piles. C’est ainsi qu’au commencement du XIIIe siècle déjà nous voyons les contre-forts de la cathédrale de Chartres se décorer de niches et de statues. Cette ornementation, d’abord timide, renfermée dans la silhouette donnée par la bâtisse, se développe promptement ; elle se marie avec les pinacles supérieurs comme autour de la nef de la