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[contre-fort]
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de la grand’salle synodale de Sens (voy. Salle ), vers 1240. Jusqu’au XVe siècle, cependant, les contre-forts conservent l’aspect de force et de solidité qui leur convient ; pendant le XIVe siècle même, il semble que les architectes renoncent à décorer leurs faces : ils se contentent de les surmonter de pinacles très-élevés et très-riches, comme autour des chapelles de la cathédrale de Paris. Mais n’oublions pas que le XIVe siècle, qui souvent tombe dans l’excès de légèreté, est généralement sobre de sculpture. Parmi les contre-forts les plus richement ornés de la fin du XIIIe siècle et du commencement du XIVe, on peut citer ceux du chœur de l’église de Saint-Urbain de Troyes. La décoration de ces contre-forts ne consiste toutefois qu’en un placage de pierres en délit superposées et attachées par des crampons aux piles construites en assises (voy. Construction, fig. 103). Ce système de revêtements décoratifs, fort en usage au XIIIe siècle, est complètement abandonné par les architectes du siècle suivant, qui sont avant tout des constructeurs habiles, et ne laissent à l’imagination de l’artiste qu’une faible place.

Vers la fin du XIVe siècle, on commence à modifier l’épannelage des contre-forts, qui jusqu’alors conservaient leurs faces parallèles et perpendiculaires au nu des murs ; on cherche à dissimuler la rigidité de leurs angles, à diminuer l’obscurité produite par leurs fortes saillies, en posant leurs assises diagonalement, ainsi que l’indique la fig. 18. Au moyen des pans abattus AB, on obtenait des dégagements ; les fenestrages placés entre eux étaient moins masqués et recevaient plus de lumière du dehors. Les deux carrés se pénétrant, corne en face, permettaient une superposition de pyramides d’un effet assez heureux. Il existe de très-jolis contre-forts construits d’après ce système le long des chapelles de la nef de la cathédrale d’Évreux (19). L’époque gothique à son déclin ne fit que surcharger de détails ces membres essentiels de l’architecture, au point de leur enlever leur caractère de piliers de renfort. Leurs sections horizontales ne présentèrent plus que d’étranges complications de courbes et de carrés se pénétrant, laissant des niches pour des statuettes, formant des culs-de-lampe pour les supporter ; tout cela tracé et taillé avec une science et une perfection extraordinaires, mais ne présentant aux yeux,