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[contre-fort]
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œuvre d’architecture fatigue les yeux. Un portique voûté, ouvert sur la cour, régnait le long du bâtiment bâti sur la rue. Ces voûtes reposaient sur des piles grêles épaulées par des nerfs saillants tenant lieu de contre-forts et donnant de l’assiette à ces piles[1]. Les archivoltes des portiques pénétraient dans les faces obliques des contre-forts, de manière à marier les courbes avec les points d’appui verticaux. À l’hôtel de la Trémoille, on ne trouvait pas ces surcharges de dais, de culs-de-lampe, ces pénétrations de prismes qui donnent à un édifice l’apparence d’une œuvre d’orfèvrerie faite pour être curieusement examinée de près. La construction de cette habitation était si bien entendue que, malgré l’extrême légèreté des piles et la poussée des voûtes, rien n’avait bougé ; cependant, lorsque la démolition se fit, on ne trouva aucun chaînage de fer au niveau du premier étage. Il va sans dire qu’au niveau des naissances des arcs des voûtes on n’avait pas placé, comme dans les portiques de l’architecture italienne, ces barres de fer horizontales qui accusent si brutalement l’impuissance des constructeurs.

La renaissance se trouva évidemment fort embarrassée lorsque la nécessité l’obligeait à placer des contre-forts à l’extérieur des édifices pour résister à des poussées. Elle n’imagina rien de mieux que de les décorer de pilastres ou de colonnes empruntées à l’art romain. Quelquefois, comme dans la cour du château vieux de Saint-Germain-en-Laye, elle les réunit aux différents étages de la construction par des arcs formant galerie ou balcons ; mais c’était encore là une tradition gothique dont nous indiquons l’origine dans notre article sur la Construction, fig. 120. Elle ne tarda pas à s’éteindre comme les autres, et lorsqu’il fallut absolument établir des contre-forts devant les façades des bâtiments religieux ou civils, on superposa des ordres romains les uns sur les autres. Si cette application singulière des ordres antiques produisit un grand effet (ce que nous nous garderons de décider, puisque c’est matière

  1. Voy. Archit. civ. et domest., de MM. Verdier et Cattois, t.II.