Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 4.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[principes]
[construction]
— 29 —

de notre hypothèse, c’est le relevé exact d’un grand nombre de ces arcs brisés primitifs qui donnent exactement une flèche plus longue que le demi-diamètre, de l’épaisseur des sommiers, une fois, deux fois, trois fois. Mais cette preuve n’est évidente que pour ceux qui ont été à même de mesurer exactement un grand nombre d’arcs doubleaux de cette époque. Voici donc une observation générale qui peut être faite par tout le monde, sans recourir à des mesures difficiles à prendre.

Il est des contrées, comme l’Île-de-France, par exemple, où les arcs doubleaux romans pleins cintres n’ont qu’une épaisseur de claveaux faible. Or ici, dans les premières voûtes possédant des arcs brisés, l’acuité de ces arcs est à peine sensible, tandis que dans les provinces où les arcs doubleaux romans pleins cintres avaient une forte épaisseur, comme en Bourgogne, l’acuité des arcs doubleaux des premières voûtes abandonnant le plein cintre est beaucoup plus marquée.

L’adoption de l’arc brisé était si bien le résultat des observations que les constructeurs avaient faites sur la déformation des arcs plein cintre, savoir : le relèvement des reins et l’affaissement de la clef, qu’il existe un grand nombre d’arcs doubleaux du XIIe siècle tracés comme l’indique la fig. 18, c’est-à-dire ayant quatre centres : deux centres A pour les portions d’arcs B C, D E, et deux centres G pour les portions d’arcs C D comprenant les reins ; cela pour présenter de C en D une plus grande résistance à l’effet de relèvement qui se fait sentir entre les points C et D ; car plus la ligne C D se rapproche d’une droite, et moins elle est sujette à se briser du dedans au dehors ; par ce tracé, les constructeurs évitaient de donner aux arcs doubleaux une acuité qui, pour eux encore habitués au plein cintre, ne pouvait manquer de les choquer.

Du moment que l’arc doubleau composé de deux arcs de cercle venait remplacer le plein cintre, il découlait de cette innovation une foule de conséquences qui devaient entraîner les constructeurs bien au delà du but auquel ils prétendaient arriver. L’arc brisé, l’arc en tiers-point (puisque c’est là son vrai nom), employé comme moyen de construction, nécessité par la structure générale des grands vaisseaux voûtés, obtenu par l’observation des effets résultant de la poussée des arcs plein cintre, est une véritable révolution dans l’histoire de l’art de bâtir. On a dit : « Les constructeurs du moyen âge, en adoptant l’arc en tiers-point, n’ont rien inventé : il y a des arcs brisés dans les monuments les plus anciens de Grèce et d’Étrurie. La section du trésor d’Atrée à Mycènes donne un arc en tiers-point, etc. » Cela est vrai ; toutefois on omet un point assez