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[coupole]
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invention très-moderne, qui ne remonte pas au delà du XVIe siècle, et les pendentifs des premiers siècles du moyen âge ne sont que des encorbellements ou des arcs superposés suivant un sphéroïde. Ces observations techniques ont plus d’importance qu’on ne croit souvent, car elles aident à expliquer des transformations, des influences, dont on ne saurait se rendre un compte exact, si on les néglige.

Il est fort étrange que les Romains occidentaux n’aient pas trouvé la coupole sur pendentifs, ou, s’ils l’ont trouvée, qu’il ne nous en reste aucune trace ; car ils avaient fait pénétrer des voûtes en berceau cylindriques dans des sphères, et les pendentifs ne sont pas autre chose que les triangles curvilignes de la sphère laissés entre ces pénétrations. Cependant la coupole de Sainte-Sophie, celles de Saint-Marc de Venise et celles de Saint-Front de Périgueux ne sont pas seulement des sphéroïdes pénétrés par des cylindres. Il y a d’abord, sur les quatre piliers, un premier sphéroïde, lequel est pénétré ; puis, au-dessus des pénétrations, une seconde portion de sphère dont le centre est surhaussé. C’est là ce qui distingue nettement la coupole byzantine de la coupole romaine. Pour faire comprendre par une figure notre définition : soit (6), en A, la projection horizontale d’une coupole posée sur quatre piles et quatre arcs doubleaux. La coupe sur l’axe CD de cette coupole donnera en projection verticale le profil E, mais la coupe sur la diagonale GH donnera le profil rabattu I. C’est d’après ce principe qu’ont été tracées les coupoles de Saint-Front de Périgueux. Les quatre arcs doubleaux étant composés de courbes brisées, les constructeurs ont été entraînés à tracer le premier sphéroïde pénétré par ces arcs au moyen de deux traits de compas GK, HK. La section horizontale de ce premier sphéroïde a été faite en L, et un bandeau saillant a été posé à ce niveau pour porter les faux cintres destinés à construire la coupole. Cette coupole elle-même n’est pas une demi-sphère, mais est obtenue au moyen de deux courbes. Régulièrement, les pendentifs devraient être appareillés, en coupe suivant la diagonale, conformément au tracé M, c’est-à-dire présenter des rangs de claveaux dont les lits seraient normaux à la courbe HK, avec crossettes à la queue ; les constructeurs de Saint-Front n’ont pas pris cette peine, et ils se sont contentés de poser les assises des pendentifs en encorbellement conformément au tracé N. Grâce à la courbure des pendentifs, ces rangs de pierre en encorbellement ne basculent pas ; mais ils peuvent écraser la pointe du triangle et se détacher des arcs doubleaux tout d’une pièce, ce qui a eu lieu. Quant à la coupole proprement dite, elle se compose d’une sorte de tambour O, composé d’assises horizontales et d’une calotte surmontée d’un dallage avec charge au sommet. À Saint-Front, les arcs doubleaux sont peu épais et leurs faces sont verticales, les pendentifs ne commençant à prendre leur courbure que sur l’extrados de ces arcs. Bientôt, cependant, les constructeurs pensèrent, non sans raisons, que ces arcs doubleaux supportant une charge énorme, il était nécessaire de donner à leurs claveaux beaucoup de queue ; mais pour ne pas élever