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avec le plus grand soin, et de ne pas se presser d’adopter ou d’exclure telles ou telles de ces influences, car elles agissent à peu près toutes, au moins pendant la période romane.

Les coupoles, puisque nous sommes sur ce chapitre, nous fournissent la preuve de la force de ces traditions accumulées même en dépit de ceux qui les subissent. Ainsi, nous avons fait voir, dans plusieurs des articles du Dictionnaire, et particulièrement dans l’article Construction, comment les architectes de l’époque romane primitive s’étaient efforcés de poser des voûtes sur le plan de la basilique romaine, comment ils y étaient arrivés après bien des tentatives infructueuses. Ce problème résolu (et résolu, il faut bien le reconnaître, par des architectes occidentaux), les plans se modifièrent peu dans leurs dispositions générales, mais le mode de voûter les nefs fit des progrès rapides jusqu’à l’époque gothique. La tradition romaine du plan persista. Survient, au milieu de ce travail des constructeurs, l’influence de la coupole ; les architectes occidentaux qui veulent se soumettre à cette influence vont nécessairement modifier le plan romain ? Point ! ils le conservent et juchent les coupoles sur la croisée de leurs basiliques. À Pise, au XIIe siècle, nous voyons des constructeurs conserver les dispositions romaines de la basilique, couvrir les nefs d’une charpente en même temps qu’ils élèvent une coupole sur le transsept. C’était cependant poser un monument voûté sur un monument commencé de manière à ne pas l’être ; c’était superposer deux édifices, comme si on voulait à la fois conserver la trace de toutes les influences opposées auxquelles on obéissait. De notre temps, M. Quatremère de Quincy dit avec raison, dans son Dictionnaire historique d’Architecture[1] : « Nous ne pouvons nous empêcher de faire regarder la sur-imposition des coupoles modernes au centre des nefs d’une grande église, et vues surtout en dehors, comme une véritable superfétation et un pléonasme architectural. Dans le fait, si c’est de loin, et vues en dehors d’une ville, que ces masses pyramidales produisent d’agréables effets, on est contraint d’avouer que, vues de près, elles ne font naître d’autre idée que celle d’un édifice monté sur un autre, souvent sans rien qui les réunisse et surtout qui les nécessite. Ajoutons qu’à l’intérieur on ne saurait y voir qu’une duplicité de motifs, de forme, d’ensemble et d’effet. » Ainsi, huit ou neuf siècles après que deux traditions opposées ont exercé une influence sur l’architecture, voici encore un auteur qui, sans d’ailleurs rendre compte de ces origines diverses, en signale le désaccord, reconnaît deux principes en présence, deux principes que neuf siècles d’efforts n’ont pu parvenir à mélanger. Disons cependant que les premiers essais n’ont pas été les moins bons, et que si la coupole du Panthéon de Paris présente avec le reste de l’édifice « une duplicité de motifs, » ce que nous admettons volontiers, si toutefois des motifs peuvent être accusés de duplicité, on n’en peut dire autant des coupoles de nos jolis édifices romans de l’Angoumois

  1. Voy. l’article coupole.