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[croix]
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très-belles, en pierre de liais, et posées sur de hauts emmarchements.

Pendant les XIVe et XVe siècles, on donna aux croix de chemins une grande richesse ; on multiplia les figures qui accompagnaient le Christ, tout en conservant toujours les dispositions primitives. Dans nos musées de province, on voit encore quantité de débris des croix de chemins ; elles s’étaient multipliées à l’infini, car on ne renversait pas les anciennes et on en élevait chaque jour de nouvelles ; mais il est rare aujourd’hui d’en trouver qui n’aient pas été brisées pendant les guerres de religion ou à la fin du dernier siècle. Il en existe cependant dans des localités oubliées par les iconoclastes : elles sont d’un travail grossier, car les plus belles se trouvaient près des grands centres, et ce sont les premières qui ont été détruites ; toutefois ces monuments, d’une exécution barbare, sont des copies ou des réminiscences des œuvres qui passaient pour être remarquables, et, à ce point de vue, elles doivent être étudiées avec soin. Parmi ces imitations grossières, nous pouvons citer la croix de Belpech (Aude) (21). La croix, découpée et fleuronnée, porte, d’un côté, le Christ ayant à sa droite la Vierge et saint-Jean à sa gauche. Au bas de la croix, deux petites figures reçoivent le sang du Sauveur dans un calice. Deux têtes, au-dessus des bras du Christ, personnifient le soleil et la lune. Le revers porte, au centre, une figure de la sainte Vierge avec l’Enfant. Deux anges tiennent la couronne de la mère de Dieu : à sa droite est un saint-Jean précurseur ; à sa gauche, saint-Jacques pèlerin. Le chapiteau porte quatre figurines nimbées très-frustes, mais parmi lesquelles on distingue saint-André. Des écussons se voient entre les figures. Ce monument date de la fin du XIVe siècle ; il était entièrement peint et recouvert d’un auvent, car il semble qu’à la fin du XIVe siècle on revint à cet usage de couvrir les croix de carrefours.

On voit encore, sur la place de Royat (Puy-de-Dôme), en face de l’église, une jolie croix en lave, du XVe siècle. Nous en donnons une vue (22). Les figures des douze apôtres sont sculptées sur le montant principal entre quatre petits contre-forts. Une inscription donnant le millésime de 1481 est gravée au pied de l’arbre, du côté de la Vierge. Sur les faces du socle, dans de petites niches, on remarque huit figurines, probablement des prophètes.

Les croix de chemins, de carrefours et de cimetières n’étaient pas toujours taillées dans de la pierre, du marbre ou du granit ; on en élevait en bois, fichées dans un socle de pierre. Il n’est pas besoin de dire que celles-ci sont détruites depuis longtemps ; on n’en peut constater l’existence que par la présence de ces socles de pierre percés d’un trou carré que l’on rencontre encore dans la campagne et dans les cimetières. Il existait aussi des croix de bronze et de fer forgé. Ces objets de métal, particulièrement ceux de bronze, ont été fondus à la fin du dernier siècle, et nous n’en possédons plus un seul exemple en France. La forme de ces croix de bronze différait de celles données aux croix de pierre et de bois ; elles étaient plus sveltes, plus détaillées, plus riches, et se divisaient