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leurs cryptes enfoncées à mi-sol, de manière à relever de plusieurs pieds le pavé des sanctuaires. Ces cathédrales ayant deux absides pendant la période romane, l’une à l’est, l’autre à l’ouest, ces deux absides avaient souvent chacune leur crypte prenant jour sur les collatéraux nord et sud et par des fenêtres percées dans le rond-point dépourvu de bas-côtés. À la cathédrale de Besançon, avant les mutilations qui, pendant cent cinquante ans, ont successivement modifié le plan de ce bel édifice, il y avait deux sanctuaires relevés et deux cryptes ; même disposition à Verdun. À Strasbourg, l’une des deux cryptes est conservée sous le chœur, très-relevé, au-dessus de la nef. À Bamberg, on voit encore les deux sanctuaires est et ouest, avec leurs clôtures et les deux cryptes. L’une des plus belles et des plus anciennes cryptes des bords du Rhin est certainement la crypte de la cathédrale de Spire, qui se trouve, suivant l’usage habituel, à mi-sol, prenant jour sur le dehors. En Angleterre, la crypte de la cathédrale de Canterbury est de beaucoup la plus vaste et la plus intéressante, ayant successivement été agrandie à mesure qu’on augmentait l’édifice.

Toutes les anciennes cryptes romanes présentent des traces de peintures ; celles si curieuses de l’Auvergne étaient entièrement couvertes de sujets légendaires exécutés souvent avec soin. Sous le chœur de Saint-Benoît-sur-Loire, il existe une crypte laissant voir encore des fragments de peinture qui appartiennent au Xe ou XIe siècle. Dans un grand nombre de cryptes, il existe des puits ; souvent ces eaux étaient considérées comme miraculeuses.

Nous ne devons pas terminer cet article sans mentionner un fait singulier. Hugues de Poitiers, dans son Histoire du monastère de Vézelay[1], dit : « Le feu prit par accident à la voûte qui s’élève au-dessus du sépulcre de la bienheureuse Marie-Madeleine, amie de Dieu ; et ce feu fut tellement violent, que les supports mêmes, que les Français appellent des poutres, et qui étaient placés dans la partie supérieure, furent tout à fait consumés. Cependant l’image en bois de la bienheureuse Marie, mère de Dieu, laquelle posait sur le pavé même de la voûte, demeura entièrement à l’abri du feu, et en fut seulement noircie… » Hugues de Poitiers entend-il parler d’une voûte en bois fermant la crypte au-dessus du sépulcre de Marie-Madeleine, ou de la charpente supérieure de l’église ? Ce qui ferait croire que l’incendie détruisit la voûte ou plutôt le plancher couvrant une crypte, c’est la suite du texte : les moines ayant trouvé des reliques dans l’image de bois de la Vierge, les populations environnantes accoururent pour voir cette image ainsi miraculeusement préservée. Gilon, le prieur du monastère, expliqua devant cette multitude de peuple comment on devait rendre des actions de grâces de la découverte précieuse qui avait été faite. « À ce récit, ajoute Hugues, tous pleurèrent de joie ; et lorsque ensuite on voulut rétablir sous la voûte le sépulcre de la

  1. Liv. IV.