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[cul-de-lampe]
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assises posées en encorbellement, et l’ornementation se combinait en raison de la hauteur des assises, ou courait sur toutes ; le plus souvent c’était un arbre d’où sortaient des branches et des feuilles entremêlées de fruits et d’oiseaux. Dès que le système de la voûte appartenant véritablement au moyen âge fut trouvé, ces voûtes se composant de membres indépendants, d’arcs doubleaux, d’arcs ogives et de formerets servant de nerfs aux remplissages, les arcs naissaient dans œuvre ; ils devaient donc porter, ou sur des piles formant saillie sur le nu des murs intérieurs, ou sur des encorbellements, des culs-de-lampe. Dans les salles qui, par suite de leur destination, devaient être entourées de bancs, de boiseries, de meubles, on évitait, avec raison, de faire porter les voûtes sur des piles dont les saillies eussent été gênantes. Alors les culs-de-lampe jouaient souvent un rôle très-important ; car si les différents arcs des voûtes étaient puissants et nombreux, il fallait que leur sommier trouvât sur les culs-de-lampe une assiette large et saillante.

Dans l’ancienne salle abbatiale de Vézelay, connue aujourd’hui sous le nom de chapelle basse, salle qui n’était autre chose qu’une sacristie ou un lieu de réunion pour les religieux avant de passer au chœur, les voûtes du XIIe siècle, plein cintre, mais construites en arcs d’ogive, reposent sur des culs-de-lampe formés de trois assises et d’un tailloir (5). Cette sculpture, destinée à être vue de très-près, puisque l’assise inférieure n’est pas à plus de deux mètres au-dessus du sol, est exécutée avec beaucoup de finesse, tout en laissant à la pierre la solidité qui lui est nécessaire.

Le XIIIe siècle, qui, plus encore que l’époque romane, voulut diminuer l’importance des points d’appui sur le sol et débarrasser l’aire des intérieurs de toute saillie, ne manqua pas d’employer les culs-de-lampe pour porter les voûtes. Les sculpteurs de cette époque les enrichirent de figures, quelquefois assez importantes, de têtes, et surtout de feuillages ; ils allèrent jusqu’à en faire des compositions tout entières, si surtout ils avaient besoin de donner à ces culs-de-lampe une forte saillie pour porter des arcs larges et épais. Alors même, dans la crainte que le sommier de ces arcs ne fît épauffrer sous la charge les deux ou trois assises dont un cul-de-lampe eût pu être composé, ils posaient un premier cul-de-lampe, montaient une construction en saillie sur ce cul-de-lampe, puis en posaient un second ; ainsi répartissaient-ils la charge sur une hauteur plus grande et n’avaient-ils pas à craindre des ruptures.

On voit encore, dans un angle du croisillon nord de la cathédrale d’Agen, un cul-de-lampe composé d’après ce principe, et qui, à lui seul, est un petit monument recevant deux grands formerets et un arc ogive d’une grande portée (6). La construction de ce support n’est pas moins remarquable que sa composition. La première assise, le vrai cul-de-lampe, est en A, profondément engagée dans les deux parements se retournant d’équerre. Le lit supérieur de cette assise est en B. La figure