Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 4.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[construction]
[principes]
— 48 —

perspective. Dès lors les tailloirs des colonnettes latérales A étaient coupés de façon à ce que leur face oblique CD, perpendiculaire à la directrice B des arcs ogives, fût partagée en deux parties égales par cette directrice.

Cependant, il faut reconnaître que les constructeurs ne se décidèrent que peu à peu à accuser la forme, la direction et les membres des voûtes sur le plan de terre. Ils conservèrent pendant quelque temps les piles monocylindriques à rez-de-chaussée, en ne traçant le plan commandé par les voûtes que sur les tailloirs des chapiteaux de ces piles. Ce qui les préoccupa, dès la fin du XIIe siècle, ce fut l’observation rigoureuse d’un principe qui jusqu’alors n’avait pas été impérieusement admis. Ce principe était celui de l’équilibre des forces substitué au principe de stabilité inerte, si bien pratiqué par les Romains et que les constructeurs romans s’étaient vainement efforcés de conserver dans leurs grands édifices voûtés composés de plusieurs nefs. Reconnaissant l’impossibilité de donner aux piles isolées une assiette suffisante pour résister à la poussée des voûtes, les constructeurs du XIIe siècle prirent un parti franc : ils allèrent chercher leurs moyens de résistance ailleurs. Ils ne voulurent plus admettre les piliers isolés que comme des points d’appui maintenus verticalement, non par leur propre assiette, mais par des lois d’équilibre. Il importait alors seulement qu’ils eussent une force suffisante pour résister à une pression verticale. Toutefois, même lorsqu’un principe est admis, il y a, pendant un certain temps, dans son application, des indécisions, des tâtonnements ; on ne s’affranchit jamais des traditions du jour au lendemain. En trouvant les voûtes en arcs d’ogive sur plan carré traversées par un arc doubleau, les constructeurs cherchaient encore des points espacés de deux en deux travées, plus stables au droit des poussées principales. En effet, dans la fig. 27, les points A reçoivent la charge et maintiennent la poussée d’un arc doubleau et de deux arcs ogives, tandis que les points B ne reçoivent que la charge et ne maintiennent que la poussée d’un arc doubleau. Ce système de construction des voûtes, adopté pendant la seconde moitié du XIIe siècle, engageait les constructeurs à élever sous les points A des piles plus fortes que sous les points B ; puis à donner aux claveaux des arcs doubleaux principaux tombant en A une largeur et une épaisseur plus grandes que celles données aux claveaux des arcs ogives et arcs doubleaux secondaires ; car, dans les voûtes gothiques primitives, il est à remarquer, comme nous l’avons dit déjà, que les claveaux de tous les arcs présentent généralement la même section.

L’arc en tiers-point était si bien commandé par la nécessité de diminuer les poussées ou de résister aux charges, que nous voyons, dans les constructions gothiques primitives, les arcs brisés uniquement adoptés pour les arcs doubleaux et les archivoltes inférieures, tandis que l’arc plein cintre est conservé pour les baies des fenêtres, pour les arcatures des galeries et même pour les formerets, qui ne portent qu’une faible charge ou ne présentent que peu d’ouverture. À la cathédrale de Noyon,