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[construction]
[voûtes]
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même une plus grande résistance à l’arc L. Comprenant l’effet des poussées des voûtes de la galerie et de l’arc-boutant L qui est destiné à les annuler, craignant l’action de la poussée d’une voûte trop large sur les piles intérieures à la hauteur de la galerie du premier étage, l’architecte a avancé la pile X en surplomb sur la colonne inférieure Y, n’ayant pas à craindre sur ce point une charge verticale, mais bien plutôt une charge oblique se produisant de X en Z. Quant au grand arc-boutant, ses claveaux, passent tendant au centre de l’arc, au-dessus de la colonne V, comme si elle n’existait pas ; et sous les claveaux de tête, le tailloir du chapiteau forme un angle avec ces claveaux, ainsi que l’indique le détail U ; une simple cale a en pierre forme coin entre le tailloir et les claveaux. C’est là où on reconnaît toute la finesse d’observation et la subtilité même de ces constructeurs gothiques primitifs. Il pouvait, dans toute la hauteur de la pile de A en E, se produire des tassements ; par suite de ces tassements, la tête S du grand arc-boutant devait donner du nez et exercer une pression telle sur la colonne V, que celle-ci s’écrasât ou, qu’en résistant, elle occasionnât une rupture en S′, funeste à la conservation de cet arc. Posant la colonne ainsi qu’il est tracé en U, l’abaissement de la tête de l’arc-boutant ne pouvait que faire glisser légèrement le tailloir sous l’arc et incliner quelque peu la colonne V en fruit. Dans cette situation, résultat d’un tassement du gros contre-fort, cette colonne V chassait sur l’arc Q et chargeait la pile X obliquement : ce qui n’avait nul danger, puisque cette pile X est posée pour agir obliquement ; de plus, la colonne V pressait fortement le mur du triforium qui la supporte, et par suite la colonne engagée I, point important ! car cette colonne I monolithe, indépendante de la pile à laquelle elle s’adosse, étant très-chargée et ne pouvant tasser, reporte la pression principale de la pile sur le parement extérieur A′ de la circonférence de la colonne inférieure, c’est-à-dire sur le point où il était nécessaire d’obtenir une plus grande rigidité pour prévenir l’effet des poussées des voûtes du collatéral. Il y a là calcul, prévision : car on remarquera que la colonne engagée I′, faisant face à celle I, est bâtie en assises comme la pile X ; il était important, en effet, que cette pile intermédiaire X n’eût pas la rigidité de la pile intérieure, qu’elle pût se prêter aux tassements pour ne pas occasionner une rupture de O en L, si le gros contre-fort venait à tasser, ce qui ne pouvait manquer d’avoir lieu.

Ainsi donc, dans cette construction, les deux systèmes de résistance préventive et opposée, expliqués dans nos deux fig. 40 et 40 bis, sont simultanément employés. Tout ceci peut être subtil, trop subtil, nous l’accordons ; mais pour grossier ou barbare, ce ne l’est point. Les constructeurs de ce temps cherchaient sans cesse, et la routine n’avait pas prise sur eux ; en cherchant, ils trouvaient, ils allaient en avant et ne disaient jamais : « Nous sommes arrivés, arrêtons-nous là » ; c’est, il nous semble, un assez bon enseignement à suivre. Nous voulons aujourd’hui

    lorsqu’on refît les couvertures, au XVe siècle. Il serait temps de penser à les replacer.