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[écailles]
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écailles sont quelquefois superposées ou le plus souvent contrariées, c’est-à-dire pleins sur vides, ainsi que l’indique la fig. 1.


En divisant l’eau de pluie qui fouette sur les parements, en éloignant l’humidité des joints et lui donnant un écoulement, ces écailles, outre leur effet décoratif, ont encore l’avantage de conserver les ravalements extérieurs. Si cet effet est sensible sur les parements verticaux, à plus forte raison l’est-il sur les surfaces inclinées, sur les talus directement exposés à la pluie. Sur les surfaces inclinées élevées en pierre, toute saillie propre, par sa forme, à diriger les eaux est éminemment favorable à la conservation de la maçonnerie, en évitant l’imbibition uniforme de la pluie. Que les architectes du XIIe siècle aient fait cette expérience ou qu’ils aient simplement eu en vue la décoration des surfaces inclinées (décoration logique d’ailleurs, puisqu’elle rappelait une couverture en tuiles ou en bardeaux), toujours est-il que ces architectes ont adopté les écailles sculptées sur la pierre pour toute surface en talus.

Les formes les plus anciennes données à ces écailles présentent une suite de carrés ou de billettes, comme la figure ci-dessus, ou de petits arcs plein cintre et brisés, ainsi que l’indique la fig. 2[1]. Il faut observer que chaque rang d’écailles est toujours pris dans une hauteur d’assises, les joints verticaux étant placés au milieu des vides laissés entre les écailles. L’eau pluviale tombant de A en B est conduite par la taille de la pierre le long des deux arêtes AC, BC ; en C, elle s’égoutte, arrive à l’extrémité D, et ainsi successivement jusqu’à la corniche. Les parties les plus humectées sont donc toujours les arêtes des écailles ; mais, par leur saillie même, ces arêtes sèchent plus facilement que les parements unis ; l’humidité demeure

  1. Tour de l’escalier du XIIe siècle de l’église d’Eu.