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églises de Saint-Avit-Seigneur, du Vieux-Mareuil, de Saint-Jean de Cole, de Trémolac, l’église abbatiale de Fontevrault (XIIe siècle), et la majeure partie des petites églises de la Charente.

école normande. Les églises normandes antérieures au XIIe siècle étaient couvertes par des charpentes apparentes, sauf les sanctuaires, qui étaient voûtés en cul-de-four. C’est d’après ce principe que furent élevées les deux églises abbatiales de Saint-Étienne et de la Trinité à Caen[1], fondées par Guillaume le Bâtard et Mathilde sa femme. Ces dispositions primitives se retrouvent dans un assez grand nombre d’églises d’Angleterre, tandis qu’en France elles ont été modifiées dès le XIIe siècle ; les voûtes remplacèrent les anciennes charpentes. Les Normands furent bientôt d’habiles et actifs constructeurs ; aussi leurs églises des XIe et XIIe siècles sont-elles grandes, si on les compare aux églises de l’Île-de-France ; les nefs sont allongées, ainsi que les transsepts ; les chœurs ne furent enveloppés de bas-côtés que vers le milieu du XIIe siècle.

Ces écoles, diverses par leurs origines et leurs travaux, progressent chacune de leur côté jusqu’au moment où se fait sentir l’influence de la nouvelle architecture de l’Île-de-France et de la Champagne, l’architecture gothique.

L’architecture gothique est une des expressions les plus vives des sentiments des populations vers l’unité. En effet, peu après sa naissance, nous voyons les écoles romanes (dont nous n’avons indiqué que les divisions principales) s’éteindre et accepter les nouvelles méthodes adoptées par les architectes du domaine royal. Cependant, au commencement du XIIIe siècle, on distingue encore trois écoles bien distinctes : l’école de l’Île-de-France, qui comprend le bassin de la Seine entre Montereau et Rouen, ceux de l’Oise et de l’Aisne entre Laon, Noyon et Paris, le bassin de la Marne entre Meaux et Paris et une partie du bassin de la Somme ; l’école champenoise, qui a son siège à Reims, et l’école bourguignonne, qui a son siège à Dijon.

L’école gothique normande ne se développe que plus tard, vers 1240, et son véritable siège est en Angleterre.

La passion de bâtir des églises, de 1200 à 1250, fut telle au nord de la Loire, que non-seulement beaucoup de monuments romans furent détruits pour faire place à de nouvelles constructions, mais encore que l’on modifia, sans autre raison que l’amour de la nouveauté, la plupart des édifices rebâtis pendant le XIIe siècle ; les cathédrales de Paris, de Senlis, de Soissons, de Laon, de Rouen, du Mans, de Chartres, de Bayeux, nous présentent des exemples frappants de ce besoin de changer ce qui venait d’être achevé à peine. Les monastères, avec plus de réserve cependant, suivirent ce mouvement vers un renouvellement de l’architecture ; quant aux paroisses, celles qui étaient riches ne manquèrent pas de jeter bas leurs vieilles églises pour en construire de neuves. Si bien qu’on ne peut s’expli-

  1. Au XIIe siècle, les nefs de ces églises furent voûtées ; le chœur de l’église de Saint-Étienne fut rebâti au XIIIe siècle.