Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 5.djvu/487

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[flore]
— 485 —

classique, qui finit, regardait les couronnements comme une superfétation de mauvais goût. Les Grecs et les Romains ne manquaient pas cependant de terminer les parties supérieures de leurs édifices par des ornements en pierre, en marbre ou en métal, qui se découpaient sur le ciel ; mais les exemples n’existant plus en place, il était convenu que l’architecture antique se passait de ces accessoires. C’était un moyen d’éluder la difficulté. Peu à peu cependant les études archéologiques, l’inspection de fragments épars, de médailles, ont fait reconnaître que les anciens étaient loin de se priver de ces ressources décoratives ; on chercha donc timidement et un peu au hasard à rompre les lignes sèches et froides de nos palais, de nos édifices publics : or, lorsqu’il s’agit de silhouettes, ce qu’il faut, ce sont des tracés hardis, un coup d’œil sûr, l’expérience de l’effet perspectif, l’observation du jeu des ombres. Cette expérience, il nous faut l’acquérir, car nous l’avons absolument perdue.

FLORE, s. f. Nous avons souvent l’occasion de parler de la flore sculptée de l’architecture du moyen âge ; c’est qu’en effet cette architecture possède sa flore, qui se modifie à mesure que l’art progresse et décline. Pendant la période romane, la flore n’est guère qu’une imitation de la sculpture romaine et byzantine ; cependant on aperçoit, vers le commencement du XIIe siècle, dans certains édifices romans, une tendance manifeste à chercher les modèles de l’ornementation sculptée parmi les plantes des bois et des champs. Mais comment cette recherche commence-t-elle ? À quels éléments s’attache-t-elle d’abord ? Qui la provoque ? Comment s’érige-t-elle en système et parvient-elle à former une école ? Résoudre ces questions, c’est faire l’histoire de notre art français au moment où il se développe, où il est réellement original et n’emprunte plus rien au passé.

Il semble, en examinant les monuments, que les clunisiens ont été les premiers à former des écoles de sculpteurs allant chercher, dans les productions naturelles, les éléments de leur décoration. Les chapiteaux de la nef de l’église abbatiale de Vézelay ne sont plus déjà des imitations abâtardies de la sculpture antique : leur végétation sculptée possède une physionomie qui lui est propre, qui a l’âpreté d’un art neuf plutôt que l’empreinte barbare d’un art, dernier reflet de traditions vieillies. Sur les bords de la Loire, de la Garonne, en Poitou et en Saintonge, au commencement du XIIe siècle, on voit aussi la sculpture chercher d’autres éléments que ceux laissés par l’antiquité. Ces essais, toutefois, sont partiels ; ils semblent appartenir à des artistes isolés, fatigués de toujours reproduire des types dont ils ne comprenaient plus le sens, parce qu’ils n’en connaissaient plus l’origine. Quoi qu’il en soit, ces essais ont une certaine importance : ils ont ouvert la voie à la nouvelle école des architectes laïques ; c’est du moins probable.

Présentons tout d’abord un de ces exemples, qui fera ressortir d’une façon plus claire ce que nous allons dire. Nous donnons ici un chapiteau