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[fourches]
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pût être invoqué plus tard contre les droits de leur souverain, ils se transportèrent à leur tour dans l’île du Mouton, y procédèrent contre le supplicié, et, après lui avoir fait un procès en règle, le rependirent, en effigie, à une potence aux armes du roi[1].

Le droit de haute, moyenne et basse justice, appartenait à la féodalité ; les grands vassaux qui relevaient directement du souverain « inféodèrent certaines portions de leurs domaines à des vassaux d’un rang inférieur ; et ceux-ci, les imitant, constituèrent également de nouveaux fiefs, dont ils gardèrent la suzeraineté. En même temps, les uns et les autres firent cession de leur droit de justice sur ces portions de territoire, non sans mettre, toutefois, quelques restrictions à cet abandon, mais limitant plus ou moins l’étendue du pouvoir qu’ils concédaient[2]… Les fourches patibulaires consistaient en des piliers de pierre réunis au sommet par des traverses de bois auxquelles on attachait les criminels, soit qu’on les pendît aux fourches mêmes, soit que, l’exécution ayant été faite ailleurs, on les y exposât ensuite à la vue des passants. Le nombre des piliers variait suivant la qualité des seigneurs : les simples gentilshommes hauts-justiciers en avaient deux, les châtelains trois, les barons quatre, les comtes six, les ducs huit ; le roi seul pouvait en avoir autant qu’il le jugeait convenable. » Il pouvait aussi faire supprimer les gibets dont il avait permis l’établissement. En 1487[3], « le procureur du roi au Chastelet alla en divers lieux de la prévosté et vicomté de Paris faire démolir les fourches patibulaires, carquans, échelles, et autres marques de haute justice, attendu que le roi Louis XI avoit accordé à plusieurs droit de haute justice, qui fut révoqué par Édit de révocation générale de tous dons de portion du domaine aliéné depuis le deceds de Charles VII que fit publier Charles VIII à son avènement à la couronne. »

Les fourches patibulaires, dit Loyseau[4], étaient placées au milieu des champs, près des routes et sur une éminence. En effet, beaucoup de lieux élevés, en France, dans le voisinage des abbayes, des résidences seigneuriales, ont conservé le nom de la Justice, la grande Justice.

Certains gibets étaient faits de bois, se composaient de deux poteaux avec traverse supérieure et contre-fiches ; mais nous n’avons pas à nous occuper de ceux-ci, qui n’ont aucun caractère monumental. Parmi les gibets renommés, pouvant être considérés comme des édifices, il faut citer en première ligne le gibet de Montfaucon. Sauval dit que, « dès l’an 1188 et peut-être auparavant, il y avait un lieu patibulaire sur le haut de Montfaucon… Montfaucon, ajoute-t-il, est une éminence

  1. Renseignements fournis par M. Achard, archiviste de la préfecture de Vaucluse.
  2. Des anciennes fourches patibulaires de Montfaucon, par A. de Lavillegille. Paris, 1836. Techener.
  3. Comptes et ordinaires de la prévôté de Paris. (Sauval, t. III. p. 481.)
  4. Traité des seigneuries. — Jacquet, Traité des justices.