Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 5.djvu/559

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[fourches]
— 557 —

poultres qui ont été otées et descendues d’icelle Justice, et en scellées quarante-huit autres qui y ont été mises neuves, et mis deux coings de pierre en l’un des pilliers estraiefs, au lieu de deux autres qui estoient usés et mangés d’eau et de gelée, dont pour ce avoir fait, ils doivent avoir, etc. »

En 1466, nous lisons dans les mêmes Comptes (p. 389) ce passage : « À la grant Justice de Paris furent attachées et clouées cinquante deux chaînes de fer pour servir à pendre et étrangler les malfaiteurs qui en icelle ont été et seront mis par ordonnance de justice. » En 1485, le gibet de Montfaucon menaçait ruine, car les Comptes de la prévôté contiennent cet article (p. 476) : « et fut fait aussi un gibet joignant le grand gibet, qui est en danger de choir et tomber de jour en jour. »

Les condamnés étaient suspendus aux traverses au moyen d’échelles auxquelles ils devaient monter, précédés du bourreau. « Huit grandes échelles neuves mises en la Justice patibulaire de Montfaucon[1]. » Ces échelles dépassaient chaque traverse de manière à ce que le patient eût la tête à la hauteur voulue ; le bourreau, monté sur le haut de l’échelle, lui passait la chaîne autour du cou, et, descendant, retirait l’échelle.

Voici donc, d’après la description de Sauval et les documents graphiques[2], le plan (1) en A des fourches patibulaires de Montfaucon. Vu leur hauteur (10m,00 au moins), les piliers ne pouvaient pas avoir moins d’un mètre de diamètre ; les seize piliers, rangés « en deux files sur la largeur et une sur la longueur, » devaient laisser quinze intervalles entre eux de 1m,50 sur le grand côté et de 1m,20 sur les deux petits. Il ne pouvait donc y avoir qu’une chaîne à chaque traverse des petits côtés et deux au plus entre celles du grand. Les traverses étant au nombre de trois, cela faisait soixante chaînes. Ainsi s’explique le nombre de cinquante-deux chaînes neuves fournies en 1466 ; peut-être en restait-il quelques-unes anciennes pouvant servir. Les traverses étaient nécessairement doublées, tant pour fixer les chaînes que pour permettre au bourreau de se tenir dessus, et pour étrésillonner convenablement des piles aussi hautes. Il fallait donc quatre-vingt-dix traverses ou soixante seulement, si les traverses basses étaient simples. La fourniture de quarante-huit traverses neuves faite en 1425 n’a donc rien qui puisse surprendre.

La hauteur des piles (en admettant que la tapisserie de l’Hôtel de ville indique une traverse de trop) ne peut laisser de doutes sur le nombre de ces traverses. On n’aurait pas élevé des piles de plus de dix mètres de hauteur pour ne poser qu’une traverse supérieure et une seule intermédiaire, car il y aurait eu ainsi des places perdues en hauteur ; or il est certain qu’on tenait à en avoir le plus grand nombre possible.

On voit, en B, sur le plan A, le caveau indiqué en pointillé, avec son

  1. Comptes et ordinaires. (Sauval, t. III, p. 533.)
  2. Tapisserie de l’Hôtel de ville, vue de l’hôpital Saint-Louis, 1641, Châtillon Châlonnais. Vue de l’hôpital Saint-Louis, Pérelle.