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la forte saillie intérieure et extérieure de cette corniche soulageait d’autant ces chevrons ; qu’enfin ce qu’il y a d’étrange au premier abord dans ce couronnement colossal, nullement motivé par la présence des créneaux et des meurtrières, s’explique du moment qu’on étudie la combinaison des hourds et la manière de les poser. Mais telle est cette architecture du moyen âge : il faut sans cesse chercher l’explication de toutes ses formes, car elles ont nécessairement, surtout dans les édifices militaires, une raison d’être, une utilité ; et cela contribue à l’effet saisissant de ces vastes constructions.

La fig. 9 donne en perspective les manœuvres des charpentiers posant les hourds du donjon de Coucy. On voit comment les petits ponts en bascule des créneaux suffisaient parfaitement pour assembler ces charpentes ferme par ferme ; car celles-ci placées, la circulation était de suite établie en dehors pour clouer les planches du chemin de ronde et les madriers de la couverture. Il faut bien admettre certainement que les charpentiers de cette époque étaient fort habiles au levage, et il suffit d’ailleurs, pour s’en convaincre, de voir les charpentes qu’ils ont dressées ; mais les moyens pratiques employés ici sont si bien expliqués par la disposition des lieux, et ces moyens sont si sûrs, si peu dangereux, comparativement à ce que nous voyons faire chaque jour, que le hourdage du donjon de Coucy ne devait présenter aucune difficulté sérieuse[1].

Il ne fallait pas moins, pour armer une fortification de ses hourds, des ouvriers, du bois en quantité, et encore risquait-on de laisser brûler ces galeries extérieures par l’ennemi ; aussi, vers le commencement du XIVe siècle, renonce-t-on généralement en France aux hourds de charpente pour les remplacer par des mâchicoulis avec mur de garde en pierre (voy. Architecture Militaire, fig. 33, 34, 36, 37 et 38, et l’article Mâchicoulis). Ce n’est que dans les provinces de l’Est que les architectes militaires continuent à employer les hourds. On en voit encore un grand nombre, qui datent des XIVe, XVe et XVIe siècles, en Suisse, en Allemagne ; mais ces hourds sont habituellement posés sur la tête des murs et ne se combinent plus avec les crénelages comme ceux des XIIe et XIIIe siècles.

Voici, par exemple, un hourdage posé au sommet d’un clocher du XIIe siècle, à Dugny près Verdun. Ce hourdage (10) est, bien entendu, d’une époque postérieure, du XIVe siècle, pensons-nous. Il se compose d’un pan de bois posé en encorbellement sur des solives et revêtu d’une chemise de planches verticales clouées sur les traverses hautes et basses de ce pan de bois. Le tout est recouvert d’un comble[2]. Beaucoup de tours

  1. Nous le répétons : une opération absolument semblable a été faite, par les mêmes moyens, en très-peu de temps et avec des bois légers, par quatre ouvriers charpentiers conduits par un ancien compagnon habile, M. La France ; ce ne sont donc pas là des hypothèses.
  2. Le dessin de ce clocher nous a été communiqué par M. Petitot-Bellovène, de Verdun.