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robes et couronnés. Ces élus sont représentés imberbes, jeunes et souriants ; ils regardent le Christ. À la gauche, un démon pousse une foule d’âmes enchaînées portant chacune le costume de leur état. Les expressions de ces personnages sont rendues avec un rare talent : la terreur, le désespoir se peignent sur leurs traits. Dans la partie supérieure est, au centre, le Christ assis, demi-nu, qui montre ses plaies ; deux anges, debout, à droite et à gauche, tiennent les instruments de la Passion ; puis sont placés à genoux, implorant le Sauveur, la Vierge et saint Jean. Les voussures du côté des damnés sont occupées, à la partie inférieure, par des scènes de l’enfer, et, du côté des élus, par un ange et les patriarches, parmi lesquels on voit Abraham tenant des âmes dans son giron ; puis des élus groupés. Cette sculpture remarquable date de 1210 à 1215 ; elle était entièrement peinte et dorée.

Nous trouvons le même sujet représenté à la cathédrale de Chartres, à Amiens, à Reims, à Bordeaux. Mais, dans ces derniers bas-reliefs, les âmes sont représentées nues généralement, sauf celles des élus, et les compositions sont loin de valoir celle de Notre-Dame de Paris. Le sentiment dramatique est déjà exagéré, les groupes sont confus, les damnés grimaçants, les démons plus ridicules qu’effrayants. Presque toujours l’entrée de l’enfer est représentée par une gueule énorme vomissant des flammes au milieu desquelles des démons plongent les damnés. Au XIVe siècle, ce sujet, bien que fréquemment représenté, perd beaucoup de son importance ; les figures, trop nombreuses, sont petites, et les artistes, en cherchant la réalité, en multipliant les scènes, les personnages, ont enlevé à leur sculpture ce caractère de grandeur si bien tracé à Paris. On voit des bas-reliefs représentant le Jugement dernier sur le tympan du portail des Libraires à la cathédrale de Rouen, sur la porte principale de l’église Saint-Urbain de Troyes, qui datent du XIVe siècle, et qui, par leurs détails sinon par l’ensemble, présentent encore des sculptures traitées avec une rare habileté. Des vitraux de roses étaient souvent occupés par des scènes du Jugement dernier dès le commencement du XIIIe siècle. Celles de la rose de l’église de Mantes, qui appartiennent à cette époque, sont fort belles. La rose sud de la cathédrale de Sens (XVIe siècle) présente d’assez bonnes peintures de ce même sujet. Mais les meilleures peintures sur verre du Jugement dernier, de l’époque de la Renaissance, sont celles de la sainte-chapelle du château de Vincennes, attribuées à Jean Cousin. Il existe aussi quelques peintures murales du Jugement dernier en France ; nous mentionnerons particulièrement celles de la cathédrale d’Alby, qui datent de la fin du XVe siècle.

K

KARNEL, s. m. (voy. Créneau).

KEMINÉE, s. f. (voy. Cheminée).