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[lavatoire]
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caractère de grandeur du monument malgré sa petite dimension. L’abbaye de Saint-Denis possédait une fort belle vasque dans son cloître qui servait aux ablutions des moines ; cette vasque, déposée aujourd’hui au milieu de la seconde cour de l’École des Beaux-Arts, date du XIIIe siècle, est d’un profil remarquable et présente, tout autour, entre chaque goulotte, une tête sculptée d’un beau style[1]. Lorsque les moines ne pouvaient amener l’eau dans une vasque pour les ablutions journalières, ils se contentaient d’un puits avec une auge circulaire ou semi-circulaire[2] autour ou à proximité.

Cependant, en Espagne, les couvents possédaient des lavabos magnifiques. Le voisinage des établissements arabes, dans lesquels l’abondance de l’eau était considérée comme une nécessité de premier ordre, avait dû exercer une certaine influence sur les constructions des cloîtres. C’est aussi dans les monastères du midi de la France qu’on trouvait autrefois les lavabos les mieux disposés et les plus spacieux. Il est à regretter que ces salles, qui se prêtaient si bien aux compositions architectoniques, aient été détruites partout, dès avant la fin du dernier siècle, par les moines eux-mêmes, qui ne se soumettaient plus à l’usage de se laver au même moment et ensemble. Les lavabos consistaient seulement parfois en une grande auge en marbre, en pierre ou en bronze, placée à l’entrée du réfectoire (voyez, dans le Dictionnaire du Mobilier, l’article lavoir).

LAVATOIRE, s. m. Auge placée dans une salle près du cloître des monastères, et servant à déposer et laver les morts avant leur ensevelissement.

L’usage de laver les morts avant de les enterrer est une pratique qui remonte à l’antiquité[3] et qui s’est conservée jusqu’à la fin du dernier siècle dans quelques provinces, comme le pays basque, par exemple, les environs d’Avranches et le Vivarais. Le sieur de Moléon[4] décrit ainsi le lavatoire de l’abbaye de Cluny : « Au milieu d’une chapelle fort spacieuse et fort longue, où l’on entre du cloître dans le chapitre, est le lavatoire, qui est une pierre longue de six ou sept pieds, creusée environ de sept ou huit pouces de profondeur, avec un oreiller de pierre qui est d’une même pièce que l’auge ; et un trou au bout du côté des pieds, par où s’écoulait l’eau après qu’on avait lavé le mort. » L’auteur donne un figuré de ce lavatoire que nous présentons ici (1) ; il ajoute qu’il y avait des pierres semblables dans l’hôpital de la ville de Cluny, dans le chapitre de l’église cathédrale de Lyon, dans le revestiaire de celle de Rouen

  1. Voy. la gravure de cette vasque dans les Exemples de décoration de M. Léon Gaucherel.
  2. Voy. le cloître de la cathédrale de Girone.
  3. Voy. les Actes des apôtres, chap. IX ; Sidoine Apollinaire, liv. III, lettre III.
  4. Voyages liturgiques en France. Paris, 1718.