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on donna le nom de mansardes à ces fenêtres, et on fit à Mansart cet honneur de le considérer comme l’inventeur de ces baies, qui existaient sur tous les édifices publics ou privés du nord bien avant lui.

Nous nous occuperons d’abord des lucarnes dont la devanture de pierre pose sur la corniche, au nu des murs de face. Les XIIIe, XIVe et XVe siècles nous fournissent un grand nombre d’exemples de ces sortes de baies qui se composent de deux pieds-droits avec allège et d’un linteau terminé par un gâble et un tympan. Ces lucarnes avec face en pierre sont généralement assez élevées pour qu’une personne puisse facilement s’approcher de l’allège et regarder dans la rue ; leurs baies sont même souvent garnies d’une traverse en pierre, comme dans l’exemple que nous donnons ici (1)[1]. Les pieds-droits sont épaulés par deux contre-forts qui leur donnent de l’assiette sur la tête du mur ; de petites gargouilles pourtournent ces contre-forts et rejettent les eaux des noues dans le chéneau A, existant entre chaque lucarne, et muni de grandes gargouilles. Le linteau est d’un seul morceau et porte avec lui les deux petits pignons latéraux. Un second morceau de pierre forme le couronnement. Les rampants du gâble portent larmier devant et derrière, de manière à recouvrir le comble en ardoise B de la lucarne. Les jouées sont en retraite sur les pieds-droits ; ce genre de lucarne est fréquent au XIIIe siècle. Quelquefois, mais rarement à cette époque, les tympans sont décorés et les rampants garnis de crochets. Cependant ces couronnements des édifices, se découpant sur les combles, ne tardèrent pas à recevoir une assez riche ornementation. Il était d’usage, pendant la seconde moitié du XIIIe siècle et jusqu’au XVIe, de pratiquer, dans les logis des palais et châteaux, des grandes salles sous les combles. On ne pouvait éclairer ces salles lambrissées que par des lucarnes très-hautes, descendant jusqu’au sol intérieur placé au-dessous de la corniche extérieure et interrompant celle-ci. Les charpentes se composaient seulement de chevrons portant-ferme, dont les entraits s’assemblaient dans les jambettes descendant en contre-bas des blochets (voir l’article Charpente, figure 26). L’importance de ces lucarnes exigeait un soin particulier dans leur construction, car il fallait que leur devanture en pierre pût se soutenir d’elle-même, qu’elle reçût des pénétrations en charpente, et que les filtrations d’eau pluviale fussent évitées entre la pierre et la couverture. Conformément aux habitudes de bâtir des architectes du moyen âge, ces précautions relatives à la stabilité et à la réunion des matériaux très-divers sont minutieusement observées. Nous avons, de nos jours, remplacé ce soin dans l’étude des détails par des moyens assez grossiers, tels que solins en plâtre, raccords en zinc ; mais aussi faut-il envoyer sans cesse les couvreurs réparer les vices primitifs d’une construction mal étudiée, ou tout au moins, pour terminer l’œuvre d’une manière passable, faire succéder plusieurs fois sur ces points délicats les maçons aux couvreurs, les

  1. D’une maison de Beauvais du XIIIe siècle, démolie aujourd’hui.