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[mâchicoulis]
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le massif O (voir les coupes D E), ne peuvent basculer sous le poids du crénelage. Les échauguettes flanquantes et les tours étant plus élevées que les courtines, le chemin de ronde devient un emmarchement et les mâchicoulis ressautent ainsi que l’indique le figuré L ; chaque marche m est percée de son mâchicoulis (voyez le profil P fait sur la ligne r h). On voit au palais des Papes, à Avignon, des mâchicoulis obtenus au moyen de grands arcs qui reposent sur des contre-forts. Ces mâchicoulis donnaient de longues rainures par lesquelles on pouvait jeter non-seulement des pierres, mais des pièces de bois en travers (voyez Architecture Militaire, figure 40) ; ils avaient l’inconvénient de ne pas battre le devant de ces contre-forts et de laisser ainsi des points accessibles aux assaillants. Ce système n’a guère été employé par les architectes militaires des provinces du nord ; ceux-ci ont admis de préférence le système des mâchicoulis continus. C’est, en effet, dans les œuvres des architectes septentrionaux qu’il faut toujours aller chercher les défenses les plus sérieuses ; beaucoup de fortifications du midi de la France et de l’Italie semblent faites plutôt pour frapper les yeux que pour opposer un obstacle formidable aux assaillants, et dans ces contrées souvent les mâchicoulis sont une décoration, un couronnement, non point une défense efficace.

Nous l’avons dit tout à l’heure, les mâchicoulis ne se défendent bien que s’ils sont couverts comme l’étaient les hourds. Examinons donc les mâchicoulis du château de Pierrefonds. Ceux-ci formaient une ceinture non interrompue au sommet des tours et courtines ; ils étaient non-seulement couverts, mais encore surmontés d’un crénelage qui commandait les approches au loin. Voici (12) comment étaient disposés ces mâchicoulis. En A, nous donnons le plan d’une section de chemin de ronde des tours prise au niveau a. Les trous des mâchicoulis sont tracés en b. En B est figurée la coupe de toute la défense et en C sa face extérieure développée. Les chemins de ronde D, avec leurs mâchicoulis, sont couverts par les combles en appentis G. De distance en distance, des lucarnes E, posées sur le mur du chemin de ronde, en face des fenêtres F, éclairent les salles I. En K est le crénelage supérieur. Les queues des assises des corbeaux L, profondément engagées dans la maçonnerie, sont chargées par le gros mur, afin de maintenir la bascule. Les linteaux M sont appareillés en clausoirs entre chaque corbeau, ainsi que l’indique le tracé extérieur ; les sommiers O sont donc taillés conformément au tracé perspectif O′ ; ainsi aucune chance de rupture dans la construction. Un démaigrissement du parement entre chaque corbeau laisse en P une arête saillante qui empêche les traits lancés du bas de remonter en ricochant dans le chemin de ronde par les trous des mâchicoulis. À la base des tours et courtines, un talus prononcé fait ricocher les projectiles jetés par les trous, ainsi que l’indique la figure 10. C’était là une défense sérieuse et combinée d’une manière tout à fait remarquable lorsque les armées ne possédaient pas encore d’artillerie à feu, et lorsque