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[maison]
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MAISON, s. f. Meson, hostel ; (petite maison) borde, bordel, abitacle. Il faut distinguer les maisons des villes des maisons des champs, mais ces dernières ne sauraient être confondues avec les manoirs. La véritable maison des champs est celle du colon, du paysan, de la famille attachée à la terre seigneuriale. Quant aux maisons des villes, celles des seigneurs ont un caractère particulier. Nous les rangeons dans les palais ou les hôtels[1]. Il est vrai que, jusqu’au XIIe siècle, la noblesse n’habitait guère les villes, et les mœurs des conquérants du sol des Gaules se conservèrent longtemps chez leurs descendants.

Les habitations des Gallo-Romains ne purent être modifiées immédiatement après les invasions des Ve et VIe siècles. Les nouveaux possesseurs du territoire ne songèrent pas, vraisemblablement, à faire bâtir des maisons sur une forme nouvelle, ils occupèrent les villæ romaines ; car, vivant aux champs plus volontiers que dans les cités, s’ils y faisaient construire des habitations pour leurs colons ou leurs serfs, ces maisons devaient nécessairement conserver la forme consacrée par une longue habitude.

Dans l’art de l’architecture, la maison est certainement ce qui caractérise le mieux les mœurs, les goûts et les usages d’une population ; son ordonnance, comme ses distributions, ne se modifie qu’à la longue, et si puissants que soient des conquérants, leur tyrannie ne va jamais jusqu’à tenter de changer la forme des habitations du peuple conquis ; il arrive au contraire que l’envahisseur se plie, en ce qui concerne les habitations, aux usages du vaincu, surtout si celui-ci est plus civilisé. Cependant le nouveau venu introduit peu à peu dans ces usages des modifications qui tiennent à son caractère et à ses traditions ; il s’établit un compromis entre les deux principes en présence et, un siècle ou deux écoulés, l’habitation laissée par le premier possesseur du sol s’est peu à peu transformée. Toutefois il ne faudrait pas croire que ces transformations soient telles qu’elles ne laissent subsister des traces très-apparentes des habitudes et par conséquent de la structure primitives. Dès les premiers siècles du moyen âge, c’est-à-dire pendant l’époque carlovingienne, la demeure des champs du Français prend un caractère de défense. Quant à la maison des villes, occupant un espace plus étroit par suite de la nécessité où l’on se trouvait d’enceindre ces villes de murailles, elle dut nécessairement abandonner, dans bien des circonstances, les dispositions étendues à rez-de-chaussée pour superposer des étages afin de trouver en hauteur l’espace qui lui manquait en surface. Si les Romains n’employaient pas le bois à profusion lorsqu’ils construisaient des maisons pour eux, il est certain que les populations des Gaules ne cessèrent jamais de se servir de cette matière : peut-être donnèrent-elles, pendant la domination romaine, une importance plus grande aux constructions en maçonnerie ; mais, sous l’influence des invasions du nord, elles reprirent certainement les constructions de bois sans difficultés.

  1. Voir, pour les hôtels, la fin de l’article sur les maisons des villes.