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niveau C′. Ainsi que l’indique le plan P, chaque habitant possède son escalier, montant de la boutique au premier. Un pan de bois de refend posé dans l’axe de la façade sépare les deux habitations du haut en bas. Le pan de bois de face du premier étage est en saillie sur le nu du pan de bois du rez-de-chaussée et repose sur trois sablières en encorbellement (voy. Pan de bois). Ce pan de bois du premier étage est abrité par la ferme de tête du comble posée sur les abouts des sablières S. Les poteaux corniers de face ne sont là que pour maintenir le pan de bois sur la rue, car derrière ces poteaux corniers s’élèvent les murs mitoyens en moellon portant cheminées. Ici la maçonnerie de la façade s’arrête à la hauteur du rez-de-chaussée de l’habitation de gauche, et plus bas pour l’habitation de droite. Les pans de bois, comme dans l’exemple précédent, sont hourdés en maçonnerie entre les poteaux, décharges et tournisses.

Ces deux exemples font déjà voir avec quelle liberté les architectes de maisons employaient ces méthodes simples et sensées qu’ils avaient su trouver ; profitant de la disposition des lieux, des pentes, de la qualité des matériaux, remplissant les programmes donnés sans s’attacher à des formes de convention, mais cependant observant avec scrupule les principes d’une construction solide et durable. Il fallait bien que ces principes fussent bons pour que des habitations élevées à l’aide de moyens aussi simples et peu dispendieux aient pu durer cinq siècles.

Au moment où le mode des pans de bois en encorbellement semble prévaloir pour les habitations urbaines, ce mode n’est pas soumis au même système de construction dans toutes les provinces composant aujourd’hui la France. Savant, recherché dans les provinces au nord de la Loire, il conserve vers celles du centre et de l’est une apparence primitive. Dans la Bresse, par exemple, les maisons en bois des XIVe et XVe siècles possèdent des pans de bois où le système d’empilage, admis en Suisse encore aujourd’hui, est apparent et se mêle au système de charpente d’assemblage. Ce système de charpente par empilages de bois, outre qu’il appartient à certaines populations dont le caractère ethnique est reconnaissable, est aussi provoqué par l’abondance des arbres résineux, droits, comme le sapin des Vosges, du Jura et des Alpes. S’il est difficile, en effet, d’empiler horizontalement des brins de chêne qui demandent un équarrissement long et pénible, rien n’est plus aisé au contraire que de poser les uns sur les autres des troncs de sapins, naturellement droits et faciles à équarrir. Dans les provinces de l’est et même dans celles du centre, les forêts étaient abondantes et nombreuses au moyen âge ; dans la Haute-Loire notamment, dans la Loire et l’Ardèche, partie de l’ancien Lyonnais, les montagnes, arides aujourd’hui, étaient, il y a quatre siècles, couvertes de forêts séculaires, protégées par les lois féodales. Aussi n’est-il pas rare de trouver encore dans ces contrées de vieilles maisons de bois, témoins de l’abondance de cette matière. Dans la petite ville d’Annonay, il existe, ou il existait encore il