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[manoir]
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pièce. En prenant l’escalier à vis on arrive au second étage possédant une cheminée comme le premier ; des meurtrières et un mâchicoulis sont suspendus sur la porte d’entrée[1].

On nous a signalé quelques-unes de ces habitations sur les côtes entre Bordeaux et Bayonne et même au delà, jusqu’à Saint-Jean de Luz. Nous inclinons à croire que ces maisons datent de l’époque de la domination anglaise en Guienne. En effet, on voit dans le comté de Suffolk, en Angleterre, une petite maison (Wenham Hall) construite en brique d’après le même mode et qui date de la fin du XIIIe siècle. Cette construction est un parallélogramme avec escalier à vis dans une tourelle à l’un des angles. L’entrée était relevée, et on arrivait par des marches engagées dans la muraille.

Il ne faut pas omettre ici les maisons bâties dans les cimetières, les maisons croisées qui étaient franches, en dehors de toute juridiction séculière, qui servaient de refuge aux pèlerins, aux malades, et qui se trouvaient placées sous la surveillance de religieux. Ces maisons se reconnaissaient à des croix de bois fichées sur leur comble.

MANOIR, s. m. (manerium[2]). Le manoir, bien que ce nom désigne parfois un château, est l’habitation d’un propriétaire de fief, noble ou non, mais qui ne possède pas les droits seigneuriaux permettant d’élever un château avec tours et donjon. Le manoir est fermé cependant, il peut être clos de murs et entouré de fossés, mais non défendu par des tours, hautes courtines crénelées et réduit formidable. Le manoir est la maison des champs placée, au point de vue architectonique, entre le château féodal et la maison du vavasseur, degré supérieur de la classe attachée à la terre seigneuriale, homme libre. « Les vavasseurs, » dit M. Delisle[3] à propos de la position de cette classe en Normandie, « différaient essentiellement des nobles, qui ne tenaient leur fief que moyennant la foi, l’hommage et le service militaire. » Dans certaines seigneuries cependant, ils devaient le service militaire à cheval, armés de lances, d’écus et d’épées. Les demeures des vavasseurs, et même des aînés, c’est-à-dire de ceux qui tenaient du seigneur des terres plus ou moins étendues, qui réunissaient plusieurs vavassoreries sous leur main et qui demeuraient responsables du service et des redevances des vavasseurs du groupe, ne pouvaient être considérées comme des manoirs en ce qu’elles n’étaient point fermées.

Le manoir quelquefois n’est qu’une maison peu étendue, entourée de murs avec jardin ; plus souvent c’est une agglomération de bâtiments

  1. Ces dessins nous ont été fournis par M. Durand, architecte à Bordeaux.
  2. Habitatio cum certa agri portione, a manendo dicta, Gallis, Manoir ; quomodo in Consuetudinibus nostris municipalibus vulgo accipitur pro præcipua feudi domo, quæ cum universo ipsius ambitu penes primogenitum esse debet… (DUCANGE.)
  3. Études sur la condition de la classe agr. en Normandie au moyen âge, p. 6. Évreux, 1851.