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encore apparents, aucune méthode géométrique ne préside au point de départ du tracé. Nous allons voir que les architectes du même édifice arrivent bientôt à des méthodes sûres, à des règles données par des combinaisons géométriques.

Les fenêtres des chapelles du chœur de la cathédrale d’Amiens sont contemporaines de la Sainte-Chapelle de Paris, elles datent de 1240 à 1245 ; or, les meneaux de ces fenêtres sont tracés d’après un principe géométrique fort-simple et très-bon. Il faut dire que ces meneaux consistent en un seul faisceau central portant la claire-voie sous les archivoltes (voy. Chapelle, fig. 39 et 40).

Soit (5), en A, la section horizontale d’une de ces fenêtres avec son meneau central B. Soient les lignes BB′B″, axes du meneau central et des colonnettes des pieds-droits. On remarquera d’abord que le même profil est adopté pour le meneau central et les pieds-droits. Soit la ligne CD, la naissance de l’arc qui doit terminer la fenêtre. L’espace entre les deux axes E et F, demi-largeur de la fenêtre, est divisé en quatre parties égales Ef, fG, Gh, hF. Du point f, prenant la demi-épaisseur de la colonnette ou boudin, cette demi-épaisseur est portée sur la ligne de base en f. Du point h, on reporte également cette demi-épaisseur en h′. Prenant la longueur Eh′, on la reporte sur la ligne de base en h″. Sur cette base h′h″, on élève le triangle équilatéral h′h″H. Sur la base f′h′, on élève également le triangle équilatéral If′h′, et du sommet H du grand triangle équilatéral on tracera le petit triangle équilatéral Hi′i, semblable à celui If′h′. Prenant alors la longueur ef′ et les points If′h′, Hii′ comme centres, on décrit les trilobes. Prenant les points h′ et h″ comme centres et la longueur h″O comme rayon, on décrit le grand arc OP. Pour trouver les centres des deux arcs tiers-points inférieurs, des points f′ et h′, on trace deux lignes parallèles à h′I et à f′I ; ces deux parallèles rencontrent les arcs inférieurs du trilobe en l et l′. Sur ces deux lignes, de l en m et de l′ en m′, on prend une largeur égale à la colonnette ou boudin. De ces deux points m et m′, on tire deux parallèles à mg′ et à m′g ; ces deux parallèles rencontrent les lignes internes des boudins en n et en n′ ; dès lors les deux triangles mng′, m′gn′ sont équilatéraux, et prenant les points g et g′ comme centres et la longueur gn′ comme rayon, on trace les arcs tiers-points inférieurs. En T, nous avons tracé la moitié des meneaux avec les épaisseurs des profils. Ainsi, toutes les sections normales aux courbes donnent la section génératrice du meneau central B.

L’appareil est simple, logique, solide, car toutes les coupes sont normales, comme l’indique le tracé T. Sans tâtonnements, le boudin, aux points de rencontre de deux figures courbes, conserve toujours sa même épaisseur, ce qui est la règle la plus essentielle du tracé des claires-voies des meneaux. À dater du milieu du XIIIe siècle, les meneaux sont toujours tracés d’après des méthodes géométriques délicates, au moins dans les édifices élevés dans l’Île de France, la Champagne et la Picardie. Parmi ces meneaux, ceux dont les dessins paraissent les plus compli-