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[menuiserie]
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saillantes, des arcs, tout, sauf la menuiserie, et cela au nom du grand art classique. Il semblerait, au contraire, que l’art classique consistait à employer le bois, la pierre ou le métal, en raison des propriétés particulières à chacune de ces matières. Ouvrons un traité de menuiserie de ces derniers temps et nous y verrons, quoi ? Comment on fait des colonnes corinthiennes, des arcs et des pénétrations de courbes, des culs-de-lampes, des trompes avec des madriers et des planches, afin de simuler en bois des ouvrages de maçonnerie ; comment on fait des portes à grands cadres, des consoles et des corniches de 0m, 50 de saillie ; comment tout cela ne peut tenir qu’avec force équerres, plates-bandes, vis et colle. De sorte que les menuisiers ont fini par ne plus savoir faire de la menuiserie véritable, et que depuis un petit nombre d’années seulement plusieurs d’entre eux ont commencé à rapprendre cet art pratiqué il y a quatre cents ans avec autant de savoir que de goût. Mais c’est toujours dans les contrées du Nord qu’il faut chercher les œuvres de menuiserie dignes de ce nom. Occupons-nous maintenant des portes, des huis pleins ou à claires-voies, des croisées.

Huis. — Les portes les plus anciennes que nous retrouvons éparses encore dans quelques provinces françaises ne sont pas antérieures au XIe siècle, et il faut dire qu’à cette époque ces ouvrages de menuiserie sont très-grossiers. Ils consistent en une série d’ais simplement jointifs, doublés par d’autres ais disposés de manière à se relier aux premiers par des clous. C’est suivant ce principe que sont disposés des vantaux de portes de la cathédrale du Puy-en-Vélay et un vantail d’une porte de l’église de la Voute Chilhac (10). Du côté intérieur A, cette porte ne présente qu’une suite de planches jointives ; à l’extérieur B, d’autres planches posées sur les premières en travers sont clouées et présentent une apparence de panneaux couverts d’ornements plats[1]. En C est donnée la coupe de l’huis faite par ab. Cette sorte de menuiserie est tout orientale, comme les ornements qui la décorent. On ne voit là ni assemblages, ni aucune des combinaisons à la fois légères et solides qui constituent les œuvres de menuiserie. Ce sont des planches clouées les unes sur les autres, et rien de plus. Très-postérieurement à cette époque, on voit encore dans des provinces du centre de la France des huis qui, bien que moins naïvement exécutés, découlent encore du même principe. Il existe dans l’église de Gannat une porte à deux vantaux (11)[2], dont chaque huis est composé de quatre planches posées jointives ; pour les rendre solidaires et les empêcher de gauchir, l’ouvrier a posé en dehors un treillis de bois formant comme des panneaux à peu près carrés. En A, la porte est présentée à l’intérieur. Le détail B donne la moitié d’un vantail du côté extérieur avec son treillis. Le détail C

  1. Voy. les détails intéressants de cette porte dans l’Architecture et les arts qui en dépendent, par M. Gailhabaud, t. II.
  2. Ce dessin nous a été communiqué par M. Millet, architecte.