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avait plusieurs moulins à vent, ainsi que le constatent une vignette de 1467[1] et les dénominations anciennes de quelques-unes de ces tours[2]. Les moulins à eau dépendant de châteaux ou d’abbayes isolés étaient souvent fortifiés. L’établissement d’un moulin ne pouvait avoir lieu que par une cession du seigneur terrien. En cédant le droit de bâtir un moulin, le seigneur lui assignait une étendue de territoire, le ban du moulin. Tous les habitants compris dans les limites du ban étaient tenus de faire moudre leur grain dans le moulin banal, sous peine de voir confisquer leur blé, le cheval et la voiture, au profit du propriétaire du moulin et du seigneur du délinquant. Ces moulins devenaient ainsi de véritables fiefs dont la conservation importait au seigneur qui en avait permis l’établissement, au propriétaire et aux habitants compris dans le ban ; il était nécessaire que ces bâtiments fussent en état de résister à un coup de main, de se défendre. Aussi les bâtissait-on autant que possible sur des îlots, ou bien le long d’un pont facilement barricadé. Ces moulins étaient assez forts quelquefois pour soutenir un siège en règle, et, afin qu’on ne pût détruire leurs roues motrices au moyen de pierriers ou de mangonneaux, celles-ci étaient alors soigneusement abritées sous la construction en maçonnerie. Le moulin dit du Roi, sur l’Aude, à Carcassonne, résista ainsi aux attaques de l’armée de Trencavel, en 1240. Dans son excellent ouvrage sur la Guienne militaire, M. Léo Drouyn donne plusieurs exemples de moulins à eau qui datent la plupart du XIVe siècle, et qui font voir avec quel soin ces usines étaient établies au moyen âge. Le bâtiment qui contient le mécanisme est presque toujours sur plan carré ou barlong, la roue motrice étant placée en dedans le long d’un des côtés du parallélogramme. S’il n’existe plus de moulins antérieurs au XIIIe siècle, les textes aussi bien que les représentations de ces usines ne peuvent nous laisser de doutes sur leur établissement dès le commencement du XIIe siècle au moins. Un des chapiteaux de la nef de Vézelay nous montre un mécanisme de moulin et des gens qui apportent du grain dans la trémie. Le manuscrit d’Herrade de Landsberg[3], qui date du XIIe siècle, nous montre également le mécanisme d’un moulin à eau possédant une roue motrice à palettes dont l’arbre, muni d’une roue d’engrenage, fait tourner la meule inférieure. Dès le temps de Guillaume le Conquérant, dit M. L. Delisle[4], on avait établi à l’entrée du port de Douvres un moulin mis en mouvement par le flux et le reflux de la mer[5]. « En 1235, il en existait un à Veules[6].

  1. Bibl. imp. Estampes, no 7402, folio 40.
  2. Du moulin du connétable, du moulin d’Avar, du moulin du midi.
  3. Bibl. de Strasbourg.
  4. Études sur la condition de la classe agric. en Normandie. Évreux, 1851.
  5. In introitu portus de Dovere est unum molendinum quod omnes pene naves confringit per magnam turbationem maris, et maximum damnum facit regi et hominibus, et non ibi fuit tempore regis Edwardi. Domesday Book, cité par S. H. Ellis, t. I, p. 124.
  6. Cartul. de Fécamp.