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duit dans notre figure. Villard de Honnecourt a bien le soin de nous dire que cet appareil avait été combiné afin de cacher les joints des tambours ; il n’est pas besoin d’ajouter que l’appareil se chevauche de deux en deux assises. Au niveau du triforium, en ab (voy. l’élévation B), le pilier adopte la section C. La colonne engagée d fait corps avec la bâtisse, c’est-à-dire qu’elle est élevée par assises, tandis que les colonnettes e recevant les arcs ogives des grandes voûtes, et les colonnettes f recevant les formerets, sont rapportées en délit, maintenues par les bandeaux g, h, qui font bagues, et les chapiteaux i et l. L’architecte de Notre-Dame de Reims n’avait pas encore une théorie bien arrêtée sur l’équilibre des voûtes dans les grands édifices gothiques, et il avait cru devoir donner à ses piliers une très-forte section ; il avait, au niveau du triforium, cru devoir élever encore un gros contre-fort en porte-à-faux pour asseoir les piles recevant les arcs-boutants (voy. Cathédrale, fig. 14). L’architecte de la cathédrale d’Amiens fut plus hardi : il donna une section beaucoup plus faible à ses piliers, et ne songea à les maintenir dans leur plan vertical que par le secours des arcs-boutants (voy. Cathédrale, fig. 20).

D’autres constructeurs avaient essayé des colonnes jumelles dans les cathédrales de Sens et d’Arras (voy. la section D) (1160), ou plus tard des colonnes avec une seule colonnette adossée (voy. la section E), ou encore des colonnes à section ovale, comme dans le chœur de la cathédrale de Seez (fin du XIIIe siècle) (voy. la section F), dominés qu’ils étaient par cette idée de résister aux poussées et de prendre le moins de place possible, de ne pas obstruer la vue des nefs et des sanctuaires.

Les exemples de piliers empruntés aux cathédrales de Reims et d’Amiens nous font voir seulement une grosse colonne centrale cantonnée de quatre colonnes engagées ; les colonnettes destinées à porter les arcs ogives et les formerets ne prennent naissance qu’au-dessus du chapiteau inférieur. Vers le milieu du XIIIe siècle déjà on faisait descendre les colonnettes des arcs ogives des grandes voûtes jusqu’à la base même du pilier ; puis bientôt on voulut porter les arcs ogives des voûtes des collatéraux sur des colonnettes spéciales ; les piliers prirent donc la section donnée par la figure 15 : A étant le côté faisant face à la grande nef et B la partie du pilier en regard du collatéral. Dès l’instant que l’on admettait que les arcs ogives, comme les archivoltes et les arcs-doubleaux, devaient posséder leur colonnette montant de fond, il était logique d’admettre que les formerets eux-mêmes possédassent leurs supports verticaux, et même que les membres de ces nefs de voûtes eussent chacun un point d’appui spécial. On multiplia donc les colonnettes autour du cylindre central, et les moulures elles-mêmes des arcs vinrent mourir sur la base du pilier. Ce parti tendait à faire supprimer les chapiteaux, car à quoi bon un chapiteau dès que la moulure formant l’arc se continue le long du pilier ? Vers 1230 déjà, les colonnettes cantonnant les piliers ne sont plus détachées, monostyles, mais tiennent aux assises mêmes de la