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[pinacle]
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composition de ceux de Notre-Dame de Reims. Ils consistent en un piramidion à section octogonale, surmontant la tête du contre-fort terminé par trois gâbles au-dessus de la gargouille recevant les eaux des combles coulant dans le caniveau A formant chaperon sur l’arc-boutant. Ici les piliers butants s’élèvent d’une venue jusqu’au niveau B ; ce pinacle n’est plus qu’un simple couronnement destiné à couvrir ce pilier et à alléger son sommet. Un programme aussi restreint étant donné, ces pinacles sont encore habilement agencés, et il est difficile de passer d’une base massive à un couronnement grêle avec plus d’adresse.

Les contre-forts de la cathédrale de Rouen, au-dessus des chapelles de la nef, du côté septentrional, montrent de beaux pinacles datant de 1260 environ. Ils se composent (fig. 6) d’un édicule ayant en épaisseur le double de sa largeur ; la partie postérieure est pleine et sert de culée à l’arc-boutant ; la partie antérieure est ajourée et repose sur deux colonnettes. Sous le dais que forment les gâbles antérieurs est placée une statue de roi ; les murs de clôture des chapelles sont en A. Sûrs de la qualité des matériaux qu’ils choisissaient, et sachant les employer en raison même de cette qualité, les architectes de cette époque ne reculaient pas devant ces hardiesses. Ces pinacles, qui ont aujourd’hui 600 ans, et qui n’ont certes pas été entretenus avec beaucoup de soin, sont encore debout, et leurs fines colonnettes supportent leurs couronnements sans avoir subi d’altération. On voit un pinacle analogue à ceux-ci, à la tête du premier contre-fort septentrional du chœur de la cathédrale de Paris, reconstruit exceptionnellement vers 1260, et contenant les statues des trois rois mages groupés. Ceux de l’église abbatiale de Saint-Denis, élevés à la tête des arcs-boutants, sous le règne de saint Louis, rappelaient primitivement cette donnée ; mais ils ont été tellement défigurés, lors des restaurations entreprises, il y a vingt-cinq ans, qu’on ne saurait les reconnaître. Un clocheton octogone surmontait la double travée des gâbles.

Le XIVe siècle alla plus loin encore en fait de légèreté dans la composition des pinacles. Ceux de la chapelle de la Vierge de la cathédrale de Rouen sont d’une ténuité qui les fait ressembler à des objets d’orfèvrerie, et semblent plutôt être exécutés en métal qu’en pierre ; il est vrai, que la pierre choisie, celle de Vernon, se prête merveilleusement à ces délicatesses.

Comme dans tous les autres membres de l’architecture gothique, les pinacles adoptent les lignes verticales de préférence aux lignes horizontales, à mesure qu’ils s’éloignent du commencement du XIIIe siècle. Ainsi (fig. 7), les pinacles qui terminent les contre-forts de la Sainte Chapelle du Palais à Paris, tracés en A, reposent sur la corniche qui fait tout le tour du bâtiment, et leurs gâbles prennent naissance sur une tablette horizontale a placée sur un dé cubique orné de refouillements. Ceux de la salle synodale de Sens, élevés à la même époque, c’est-à-dire vers 1250, et tous variés, accusent encore des lignes horizontales qui coupent