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[pinacle]
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herse, fenêtres grillées et tourelles. La section horizontale de ce pinacle, prise au niveau cd, est figurée en B′. Les pinacles qui couronnent les contre-forts du chœur de l’église Saint-Urbain de Troyes, figurés en C, et dont la section horizontale, faite au niveau ab, est tracée en C′, n’ont, en fait de membre horizontal, qu’une bague dissimulée derrière les piramidions inférieurs. Ces pinacles datent de 1290. Enfin, les grands pinacles qui s’appuient sur les culées des arcs-boutants du chœur de la cathédrale de Paris, reproduits en D, qui datent de 1300, n’accusent qu’à peine la ligne horizontale. Là même, l’architecte a évidemment voulu donner à ce membre important de l’architecture une apparence élancée. Les clochetons f accolés au corps principal du pinacle, et qui l’épaulent, conduisent l’œil du point e au sommet, par une ligne inclinée à peine interrompue. Ces pinacles sont très-habilement composés et produisent un grand effet. Le caniveau qui sert de chaperon à l’arc-boutant conduit les eaux, à travers les deux jouées du clocheton supérieur, dans une grande gargouille placée à sa base. Ces quatre pinacles sont figurés à la même échelle.

Au XVe siècle, la ligne horizontale, non-seulement n’entre plus dans la composition des pinacles, mais encore ceux-ci forment habituellement des faisceaux de prismes qui se terminent en piramides, se pénètrent et s’élancent les uns au-dessus des autres. Parmi les pinacles de cette époque, dont l’exécution est bonne, nous citerons ceux des contre-forts du chœur de l’église d’Eu (fig. 8). En A, nous en donnons la section faite sur ab, et en B, quelques détails assez remarquables par leur exécution.

La silhouette a évidemment préoccupé les architectes auteurs de ces conceptions, et il est certain que, sauf de rares exceptions, elle est heureuse. Ces membres d’architecture se découpent presque toujours sur le ciel, et nous avons signalé dans d’autres articles (voy. Clocher, Flèche) les difficultés que présente la composition de couronnement ayant l’atmosphère pour fond. En voulant éviter la maigreur, facilement on tombe dans l’excès opposé ; le moindre défaut de proportion ou d’harmonie entre les détails et l’ensemble choque les yeux les moins exercés, détruit l’échelle, fait tache ; car le ciel est, pour les œuvres d’architecture, un fond redoutable : aussi faut-il voir avec quel soin les architectes du moyen âge ont étudié les parties de leurs édifices dont la silhouette est libre de tout voisinage, et comme les architectes de notre temps craignent d’exposer leurs œuvres en découpure sur l’atmosphère. Plusieurs ont été jusqu’à déclarer que ces hardiesses étaient de mauvais goût : c’était un moyen aisé de tourner la difficulté, et cependant neuf fois sur dix les monuments se détachent en silhouette sur le ciel, car ils s’élèvent au-dessus des constructions privées, et sont rarement en pleine lumière, surtout dans notre climat. Il faut considérer, en effet, que c’est particulièrement dans les régions situées au nord de la Loire que les pinacles prennent une grande importance et sont étudiés avec une recherche minutieuse.

Le XVIe siècle composa encore d’assez beaux pinacles, mais qu’on ne